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Déboires des sages-femmes dans les hôpitaux/ Mme Dassé Jeanne: ''Les gens arrivent dans les maternités avec une idée arrêtée…''
Publié le : 13 mai 2016 par Venance Kokora

Mme Dassé Jeanne a exercé pendant 30 ans le métier de sage-femme (Ph V.K.)
Mme Dassé Jeanne est sage-femme enseignante à la retraite. Elle fut présidente de l’Association des sages-femmes de Côte d’Ivoire. Quoiqu'à la retraite aujourd'hui, elle met ses expériences professionnelles à la disposition des populations du Goh, sa région natale, à travers son Ong de lutte contre la mortalité enfantile en période d’accouchement qu'elle a créée en 2010.
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De passage à Gagnoa, elle nous a accordé un entretien, dans lequel elle jette un regard rétrospectif sur le corps médical auquel elle a appartenu pendant 30 ans.
Vous avez ouvert un dispensaire à Wanéwa, village de la sous-préfecture de Sérihio, pour porter assistance aux populations en général et aux femmes en particulier. Pourquoi le choix de cette localité ?
Nous sommes dans cette partie du pays parce qu’il n’y a pas de structure sanitaire. Et quand une personne a besoin de soins, surtout une femme pour accoucher, les parents sont obligés de les amener à Sérihio, chef-lieu de sous-préfecture, qui est à 10 km du village. Les femmes sont transportées dans les Gbaka ou évacuées sur des motos. Nous sommes basés à Wanéwa, où nous avons notre première maternité. Nous sommes à pied d’œuvre pour ouvrir une seconde maternité dans un village situé derrière le cours d’eau, la Davo, où se trouve une population dense privée de soins.
Quel regard jetez vous sur l’environnement sanitaire en Côte d'Ivoire ?
C’est une question délicate. Vous savez, j’ai été formatrice et je suis allée à la retraite après 30 années de service. Si je veux jeter un regard, ce sera dans le domaine de la formation. Aujourd’hui, la sage-femme qui sort de l'école n’est pas la même que celle que nous avons connue par le passé. Elles sont très nombreuses dans les amphis, ce n’est pas reluisant dans les salles de Travaux dirigés (Td). Mais grâce à l’Unfpa, il y a des salles qui ont été équipées. Les enseignants sont en minorité. Si on ne reprend pas ces Td plusieurs fois, il y a des étudiants qui sortent sans être au point. J’ai eu une sage-femme que j’ai recrutée en 2014. Je lui ai confié la planification familiale. Quand elle m’a avoué qu’elle n’avait jamais fait un stage dans un service de planification familiale, j’ai eu mal. Quand je les recrute, je les forme avec le peu de matériel dont je dispose, et je les mets en face de la réalité loin des salles équipées, dans des villages très reculés, mais en présence des mêmes cas. Il faut pouvoir sauver la femme et son enfant.
La grogne des populations contre les sages-femmes est fréquente. Est-ce la conséquences des difficultés dans la formation des étudiantes ?
C’est vrai que l’accueil peut ne pas être de qualité, mais ce n’est pas dans notre secteur seulement. Et puis, ce n’est pas chez toutes les sage-femmes. On ne peut maîtriser l’accueil face à la douleur. Quand une femme est en travail dans la salle d’accouchement, quelquefois, il faut hausser le ton pour lui permettre de faire des efforts pour sauver l’enfant. Les gens arrivent dans les maternités avec une idée bien arrêtée de la sage-femme. Pour un rien, c’est mal partie. Je demande aux sages-femmes de comprendre que nous avons la vie d’une famille et de la nation entre nos mains. Mais surtout, je demande à nos sœurs de désirer leur enfant. Il y a le planning familial, on peut faire son enfant, quand on veut. Il faut éviter une grossesse non désirée, parce quand c’est le cas, l’enfant depuis l’utérus, souffre de savoir qu’il va naître dans une atmosphère où il n’est pas désiré.
Quel bilan faites-vous de vos activités depuis 6 ans et quels soins offrez-vous ?
Nous avons fait beaucoup. Au moment ou nous aménagions dans le village, au mois de décembre, nous avons enregistré 04 accouchements à domicile, et les femmes sont toutes décédées. Depuis que nous avons ouvert, le 08 mars 2013, jusqu'à ce jour, il n’y a plus de décès de femme ou d’enfant pendant l’accouchement. Nous pratiquons la médecine générale et nous sensibilisons les populations à fréquenter les centres de santé. Nous déconseillons aux femmes d’accoucher à la maison. Les statistiques actuelles démontrent que 614 femmes meurent sur 100 000 accouchements. C’est le taux qu’on connaît au niveau des maternités en ville, sans tenir compte des décès de femmes ou d'enfants pendant les accouchements dans les campements et villages les plus reculés. Nous enseignons aux femmes, également, le planning familial. Depuis 2010, je me suis attelée à ces exercices. Nous avons commencé par le village de Béhibro, après nous avons voulu aller plus loin dans la sous préfecture, dans le village de Wanéwa.
Venance KOKORA à Gagnoa
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Venance Kokora
Journaliste Reporter
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