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Forces armées de Côte d'Ivoire : Plusieurs morts suspectes à Zambakro
Publié le : 13 novembre 2017 par Armand B. Depeyla

Face à la mort, en cascade d'élèves-officiers dans des conditions suspectes, voire troubles à l'Ecole des forces armées de Côte d'Ivoire ( Efa), le Tribunal militaire d'Abidjan ( Tma) vient d'ouvrir une enquête, en vue d’élucider les circonstances exactes de ces décès, avons-nous appris le 8 novembre 2017, de sources internes à l’École des Forces armées de Zambakro, dans le District de Yamoussoukro.
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Selon un officier supérieur en service à l'Efa, c'est suite à une alerte du Commandant de la 6ème légion de gendarmerie à Yamoussokro, que le Tribunal militaire d'Abidjan s'est saisi de ce dossier. Le lieutenant-colonel, commandant la 6ème légion a instamment demandé au Tribunal militaire d'Abidjan d'ouvrir, d'urgence, « une enquête sur la mort suspecte d'un élève-officier, nommé N'Guessan René Morel, élève-officier de l’École des Forces armées de Zambakro, décédé à la suite de son admission à l'infirmerie de l'école ». Cet élève-officier de 28 ans a trouvé la mort, le 31 octobre 2017 dans des conditions pour le moins intrigantes. Six jours seulement après avoir intégré l’École, le 28 octobre 2017, il est passé de vie à trépas.
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Mais, il ressort de l'enquête préliminaire menée sur place par le Commissaire du Gouvernement, le procureur militaire Ange Kessy Kouamé, toujours selon notre source, que le corps de l'élève était méconnaissable. Il était lacéré et couvert de plaies béantes, notamment, au niveau de la partie postérieure du bassin et plusieurs éraflures étaient observables sur son dos, ses bras, son cou, ses jambes et au visage. L'enquête partielle en a donc conclu « à une mort violente ». Pour en avoir le cœur net, le commissaire du gouvernement, poursuit notre source, face aux déclarations contradictoires du personnel soignant (médecins et infirmiers) qui a reçu l’infortuné élève-officier, a ordonné, le 6 novembre 2017, le transfert du corps à l'Institut médico-légal en vue de la pratique d'une autopsie.
Le but étant, selon notre interlocuteur, « de déterminer les causes réelles de la mort de cet élève-officier, ce d'autant plus qu'aux yeux des enquêteurs du Tribunal militaire, « il y a une volonté de dissimulation de la vérité ». Le sentiment qui les anime est que des gens veulent travestir les faits... Il ressort des investigations menées auprès du médecin de l’École pour comprendre pourquoi « la victime avait des blessures graves sur son corps », celui-ci a indiqué que « l'élève-officier n'était pas le seul dans cette situation », informant le procureur militaire « qu'une autre élève-officier, grièvement blessées aux fesses, a été évacuée d'urgence, au seuil de la mort, à l’Hôpital militaire d'Abidjan ( Hma). Néanmoins, sur l'origine de ces blessures, c'est motus et bouche cousue. Mais, le Commandant de la Division formation des officiers a offert une piste aux enquêteurs, avouant que « ces blessures proviennent des coutumes de la formation ».
Rite mortel...
Aussi bien à la 6ème légion de la gendarmerie de Yamoussoukro qu'à Zambakro, les langues se délient et pointent le système de « bahutage » ou « bizutage ». Un rite qui consiste à faire passer aux nouveaux élèves des épreuves d'une extrême pénibilité. Les moins endurants y perdent facilement la vie. Pour Ange Kessy Kouamé, le procureur militaire que nous avons contacté le 10 novembre 2017, « si l'autopsie révèle que ces blessures ont un rapport direct ou même indirect avec le « bahutage », dans le décès de l'élève-officier, les formateurs de l'Efa seront poursuis ».
Selon lui, il ressort des « derniers éléments de l'enquête que contrairement au dire du médecin, l'élève-officier N'Guessan René Morel n'est pas décédé à l’hôpital à 19 h 45 mn, mais au cours d'un « bahutage » autour de 18 h et le corps a été transporté à l'infirmerie ». Le procureur militaire, très remonté, a indiqué que « l'enquête se poursuit pour confirmer ou infirmer toutes ces allégations ». Irié Guy Stéphane, 25 ans, élève-officier d'active, de la 45 ème promotion, avait été retrouvé mort, son corps flottant dans une rivière non loin de l'Efa, le vendredi 25 octobre 2013. Il suivait, comme le défunt N'Guessan René Morel, une formation commune de base ( Fcb) à Zambakro. Il portait une tenue de sport et une paire de basket, lorsque son corps a été retrouvé, en état de putréfaction avancé. Là aussi, le « bizutage » avait été mis à l'index.
En 2015, six officiers-élèves de deuxième année avaient été mis aux arrêts, jugés et condamnés à 10 ans de prison chacun, pour les mêmes motifs de coups mortels portés volontairement à un stagiaire lors d'un rite de « bahutage ». Il s'agit, entre autres, de Yao Gadou Marius ( meurtre), N'Drin Yahou Emmanuel ( meurtre), Tago Gnakouri Ange ( meurtre). Tous étaient à l’École des Forces armées de Zambakro. Le Commandant de l’École, au moment des ces meurtres, le colonel-major N'guessan Kouassi avait, lui, été condamné à 6 mois de prison ferme et relevé de ses fonctions.
Au cours de la rentrée solennelle du Tribunal militaire d'Abidjan en avril 2017, le procureur militaire, Ange Kessy Kouamé, avait, en des termes durs, dénoncé ce qu'il avait appelé « les traitements inhumains infligés aux stagiaires en formation dans les écoles militaires et de la police nationale ». « Des maltraitances qui n'ont ni fondement juridique, ni intérêt pédagogique et qui ont tout l'apparence de véritables supplices et actes de torture, de barbarie d'un autre âge », avait-il accusé, soulignant qu'ils « constituent des violations graves des droits humains ».
Il avait dit qu'il serait « intraitable » devant de tels faits. Signalons que le 17 janvier 2017, un mouvement d’humeur de militaires était parti de cette école, commandée, au moment des faits, par le Colonel Kouamé Allah. Quatre soldats de ce centre de formation avaient été tués à l'issue des affrontements avec des éléments de la Garde républicaine basés à Yamoussoukro. Le colonel Kouamé Allah avait alors été relevé de ses fonctions, détaché à l’état-major des Faci par le Cema, Touré Sékou. Il a été remplacé, à la tête de l'Efa de Zambakro, par le Colonel Jean-Hubert Ouassénan. Qui devient ainsi le 27e commandant de l’Ecole des forces armées de Côte d’Ivoire, depuis sa création en 1961.
Armand B. DEPEYLA
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Armand B. Depeyla
Journaliste Reporter
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