7 juillet 2012/ Mamadou Koulibaly charge encore Ouattara : ‘‘La vengeance n’est jamais source de réconciliation’’

La Côte d’Ivoire vient d’obtenir un allègement de sa dette extérieure de 4 milliards de dollars. Applaudissez-vous ?

Oui, j’applaudis en partie, parce que cela fait quand même 15 ans que différents gouvernements courent après ce PPTE. On peut applaudir, c’est une grosse victoire pour ses populations.

Lors d’un séminaire il y a quelques semaines à Abidjan, vous avez fait un bilan plutôt sévère de la première année de gouvernement Ouattara. Cette remise de dette n’est-elle pas la preuve que, comme le dit le Premier ministre, «la Côte d’Ivoire retrouve confiance et crédibilité auprès de ses partenaires » ? 

Oui, mais cela suppose que la gouvernance de l’Etat permette de collecter les fonds nécessaires au remboursement de sa dette. Il y a d’abord la collecte de fonds. 

Mais, ce que nous voyons, c’est que depuis son arrivée, il découpe, il tronçonne, il arrange, comme il l’entend, sans consulter qui que ce soit, et ce n'est pas de bonne augure. 

Vous parlez gouvernance, il y a-t-il une plus grande transparence cette année que les années précédentes ? 

Non, au contraire, je pense que l’opacité dans la gouvernance ne fait qu’augmenter. On a un président de la République qui dit qu’il veut de la bonne gouvernance ; qui chasse de son gouvernement un ministre impliqué dans le détournement de fonds lié aux déchets toxiques. Ce qui est grave ! Mais, le ministre n’est pas jugé, il va, il vient, il est toujours député. 

Vous parlez d’Adama Bictogo ? 

Oui. Pour ne pas citer de nom. La bonne gouvernance, c’est punir, et puis faire exécuter les peines… Un autre aspect de cette gouvernance, les marchés publics sont passés sans appel d’offres, et ça se joue sur des dizaines de milliards de francs pour la restauration des universités publiques de Côte d’Ivoire. Et pour d’autres chantiers du même genre, pas de marchés ouverts. On ne peut pas appeler cela de la bonne gouvernance. 

Le Professeur Mamadou Koulibaly à propos de Ouattara: "C'est son art, diviser pour régner..." pic.twitter.com/fNfiyAFDob

— Leader News🇨🇮 (@LeaderNewsCI) October 11, 2020

Avant-hier, le président Ouattara a annoncé un nouveau découpage administratif. Est-ce de bonne augure avant les municipales ? 

Il dit que son découpage ne changera rien dans les 197 communes, dans lesquelles les municipales vont avoir lieu. Mais le président Ouattara avait pris l’engagement pendant sa campagne électorale qu’il ne ferait rien dans le processus de décentralisation sans ouvrir avant un grand débat. Mais, ce que nous voyons, c’est que depuis son arrivée, il découpe, il tronçonne, il arrange, comme il l’entend, sans consulter qui que ce soit, et ce n'est pas de bonne augure. 

Cette zone constitue un nid de gens armés, prêts à se vendre au premier venu.

Le 8 juin, une attaque rebelle a fait 8 morts dans l'Ouest, dont 7 casques bleus nigériens. Y a-t-il le risque d'une nouvelle guerre civile dans la région ? 

Je ne peux pas le dire, mais il y a une nécessité de désarmement, d'une gestion commune de la zone frontalière ouest de la Côte d'Ivoire en collaboration avec les forces guinéennes, libériennes et les forces onusiennes de Côte d'Ivoire, et l'armée régulière de Côte d'Ivoire. Cette zone constitue un nid de gens armés, prêts à se vendre au premier venu, et donc, l'exigence de désarmement n'est plus une option pour nous maintenant, je crois bien.

Un complot déjoué

Il y a un mois, document vidéo à l’appui, le gouvernement ivoirien a affirmé qu’il avait déjoué un complot pro-Gbagbo fomenté au Ghana. Cette annonce est-elle à prendre au sérieux ? 

Nous nous posons des questions. C’est vrai qu’on a vu ces cassettes à la télévision, on a vu un ancien ministre de la Défense venir dire certaines choses… mais, ce qui serait bien, c’est que toutes ces personnes se retrouvent devant la justice et qu’on nous explique clairement les tenants et aboutissants. 

Non, non, non... pas du tout satisfait. Depuis avril 2011, on prétend que nous sommes rentrés dans une nouvelle Côte d’Ivoire, mais tout ce que nous voyons, c’est une justice qui accable les vaincus, les accuse de tous les maux qui restent à prouver.

Donc, quand le FBI affirme qu’il s’agit d’un coup d’Etat fictif pour accabler le prisonnier Gbagbo, vous ne partagez pas son point de vue ? 

Je ne suis pas sûr. Moi, j’attends qu’on soit devant les juges. 

Depuis un an, plusieurs dizaines de partisans de Laurent Gbagbo sont en prison. 6 d’entre eux viennent d’être inculpés pour crime contre la population civile et génocide. 

Etes-vous satisfait du travail de la justice ivoirienne ? 

Non, non, non... pas du tout satisfait. Depuis avril 2011, on prétend que nous sommes rentrés dans une nouvelle Côte d’Ivoire, mais tout ce que nous voyons, c’est une justice qui accable les vaincus, les accuse de tous les maux qui restent à prouver -, mais en même temps, qui ne dit rien du tout de l’autre camp, qu’on peut aussi accuser de toutes sortes de crimes. La vengeance justicière n’est jamais source de réconciliation. Cette justice n’est pas équitable. 

La réconciliation est difficile, à qui la faute ? Au gouvernement ou bien au FPI, qui boycotte tout depuis un an ? 

À tous les 2. On peut penser que la difficulté vient du FPI, mais en même temps, le gouvernement qui, il y a deux mois, a lancé le projet à Bassam de dialogue avec l’opposition, mais c’était juste pour la photo de famille ! 

L’an dernier, vous avez été éjecté du FPI par les pro-Gbagbo qui vous trouvaient trop modéré. Depuis, vous avez créé le LIDER, mais votre parti n’a obtenu aucun siège à la nouvelle Assemblée Nationale. N’êtes-vous pas en train de vous marginaliser ?

Non… aujourd’hui, un nouveau parti est créé qui propose une alternative idéologique, politique, qui prendra le temps qu’il faudra pour arriver à convaincre le plus grand nombre. Nous sommes dans la phase d’installation, mais retenez quand même que quand le président Gbagbo ou le président Ouattara eux-mêmes ont créé le FPI et le RDR, ils ont mis 18 à 20 ans pour arriver au pouvoir. Le tout, c’est qu’il y a sur le champ politique ivoirien, un autre discours que le discours triangulaire Bédié – Gbagbo – Ouattara, un discours fait de haine, de querelles, de tribalisme, d’irrédentisme, … Ça progresse doucement, on ne se décourage pas, mais c’est vrai qu’au commencement, c’est tout petit. 

Source : “Rfi” 

NB : Les titres sont de la rédaction