Ukraine : Ioulia Svyrydenko, nouveau visage du gouvernement resserré de Zelensky

À 39 ans, cette technocrate chevronnée, jusque-là première vice-première ministre et ministre de l’Économie, devient la 19e cheffe du gouvernement de l’Ukraine indépendante. Son investiture, votée sans difficulté au Parlement, vise à renforcer la coopération avec les États-Unis, redevenus un acteur-clé avec le changement de locataire à la Maison Blanche.

Une nouvelle Première ministre connectée au cœur du jeu américano-ukrainien

Réduisant la taille du gouvernement de 22 à 17 membres, Zelensky affiche ainsi l’ambition de rendre l’action publique plus efficace et resserrée autour de ses fidèles, dans une période où la gestion réactive et la discipline d’équipe paraissent cruciales. Ce recentrage ne se veut pas seulement symbolique : chaque portefeuille a été reconfiguré pour clarifier les chaînes de décision et faciliter les arbitrages entre sécurité, finances et diplomatie. Originaire de Tchernihiv, formée à la gestion anti-monopole à Kiev, elle chemine depuis quinze ans dans les arcanes administratives et économiques du pays.

Après avoir piloté le développement économique ukrainien et géré les négociations aussi sensibles que celles sur les ressources minières avec Washington, elle a su s’imposer comme interlocutrice privilégiée des partenaires américains. Cette proximité, précieuse à l’heure où l’Ukraine joue sa survie en misant sur le soutien militaire et financier occidental, a pesé lourd dans le choix du président.

Dans les tractations, notamment autour du très stratégique accord sur les minerais, elle s’est illustrée par sa capacité à tenir tête, à trouver des compromis sous forte pression, et à défendre les intérêts de Kiev tout en rassurant les alliés. En élevant Svyrydenko à la tête du gouvernement, Volodymyr Zelensky conforte la stratégie de synergie étroite avec Washington, et anticipe la nouvelle donne imposée par l’administration Trump, revenue au pouvoir et soucieuse de revoir la teneur des aides à Kiev. Le rôle-clé de Svyrydenko est d’autant plus central que la stabilité du front et la relance économique passent, selon le président, par un Etat agile capable d’accroître la production d’armes, d’optimiser les finances et de poursuivre le vaste chantier des privatisations d’entreprises publiques.

Une nouvelle équipe pour défendre Kiev à Washington

Ce redéploiement à la tête du gouvernement s’accompagne d’autres nominations stratégiques à la croisée de la politique et de la diplomatie. Ainsi, Olga Stefanichyna, ancienne ministre et négociatrice aguerrie lors du dossier sur les minerais, devrait être nommée ambassadrice aux États-Unis, poste clef dans le dispositif ukrainien. Sa mission : maintenir une relation de confiance avec Washington, alors même que l’ambassadrice sortante, Oksana Markarova, a vu sa proximité avec l’administration démocrate devenir un frein dans la nouvelle ère ouverte par Donald Trump.

Zelensky sait que, pour conserver le soutien américain face à Moscou, l’agilité diplomatique compte autant que la cohérence militaire. Stefanichyna incarne ainsi la volonté ukrainienne de garantir une continuité du canal diplomatique, tout en s’adaptant aux exigences d’une administration Trump résolue à durcir le ton sur le contrôle des aides. Il n’empêche, ce jeu de chaises musicales a surpris certains observateurs, le ministre sortant de la Défense étant pressenti pour le poste diplomatique. Le président ukrainien n’a pas fourni d’explication sur ce choix, ni sur les nouvelles attributions de Roustem Oumerov.

Un pouvoir resserré sous surveillance politique

Ce remaniement, salué par certains comme nécessaire dans un contexte d’extrême tension, nourrit aussi les critiques chez les opposants. Plusieurs voix s’inquiètent d’une centralisation croissante du pouvoir entre les mains de Zelensky et de son éminent chef de cabinet, Andriï Iermak. Des députés de l’opposition et des médias réputés indépendants, à l’instar de l’Ukrainska Pravda, voient dans la promotion de personnalités loyales une nouvelle étape vers la consolidation de l’influence présidentielle au détriment de la collégialité gouvernementale.

Parmi les autres changements notables : Denys Chmyhal, qui occupait la primature depuis 2020, hérite désormais du ministère de la Défense avec pour mission annoncée de restaurer l’ordre dans une institution ébranlée par des scandales répétés de corruption. Des ministres clés, tels que celui des Affaires étrangères Andriï Sybiha, restent en place, garantissant un socle d’expérience et de continuité au sein d’un exécutif rajeuni et redéfini. La nouvelle ministre de l’Énergie, Svitlana Gryntchouk, affrontera pour sa part l’un des dossiers les plus tendus du moment : préserver l’infrastructure énergétique nationale, alors que la Russie multiplie les frappes contre les centrales et réseaux, notamment à l’approche de l’hiver.

Les priorités de l'Ukraine relancées

À peine intronisée, Ioulia Svyrydenko a affiché la couleur : priorité à l’approvisionnement sans faille de l’armée, développement rapide de la production nationale d’armements, mais aussi audit strict des finances publiques et accélération des privatisations. Cette ligne de conduite résume bien l’esprit voulu par Zelensky : faire bloc derrière le président, serrer les rangs face à l’adversité, tout en gardant un oeil sur la nécessaire efficacité de l’État et la confiance des partenaires extérieurs. Les attentes sont grandes. Chacune de ces nominations, en particulier celle d’une première ministre issue de la nouvelle génération politique, est perçue comme un pari sur la compétence, la loyauté et la pédagogie d’une équipe resserrée, à l’heure où le pays doit gérer l’urgence humanitaire, la reconstruction et la diplomatie du quotidien.

⚡️🇺🇦 C’est désormais officiel : la Verkhovna Rada a approuvé la nomination de Yuliya Svyrydenko comme Première ministre de l’Ukraine.

Elle devient ainsi la première femme à occuper ce poste depuis l’indépendance du pays.

Une nouvelle ère politique s’ouvre à Kyiv, dans un… pic.twitter.com/hReo7AEkbY

— Alex 🇫🇷 (@Alexandree1507) July 17, 2025