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Lettre de Don Mello à Gbagbo : révélations sur un malaise au sommet du PPA-CI
Publié le : 14 juillet 2025 par Samuel KADIO

Dans sa lettre, Ahoua Don Mello ne remet pas en cause la candidature de Laurent Gbagbo - DR
Remise discrètement à Laurent Gbagbo début juillet, la lettre d’Ahoua Don Mello, proposant des candidatures alternatives pour la présidentielle de 2025, a finalement fuité. Derrière les démentis officiels, Linfodrome révèle les dessous d’une rencontre tendue et d’un parti traversé par des doutes.
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C’est une lettre qui n’aurait jamais dû franchir les murs du cabinet de Laurent Gbagbo. Et pourtant, depuis quelques jours, la correspondance d’Ahoua Don Mello, ancien ministre et figure emblématique du camp Gbagbo, circule sur les réseaux sociaux comme une traînée de poudre. Dans ce courrier daté du 29 juin 2025, il propose une stratégie alternative au cas où le président du PPA-CI ne pourrait pas être candidat à la présidentielle d’octobre.
"Deux ou trois candidats"
Acquitté en 2021 par la Cour pénale internationale (CPI), l’ancien président est toujours radié des listes électorales, à la suite d’une condamnation en 2018 dans l’affaire dite du « casse de la BCEAO ». Seule une amnistie permettrait son retour effectif dans le jeu électoral.
Dans sa lettre, Don Mello ne remet pas en cause la candidature de Gbagbo. Au contraire, il salue son leadership et sa légitimité historique. Mais il propose, en cas de blocage juridique, d’autoriser deux ou trois cadres du parti à déposer également leur candidature. L’idée : éviter à tout prix que le PPACI se retrouve une nouvelle fois hors course, comme en 2020.
Pour l’ancien ministre de l’Équipement et de l’Assainissement, cette option ne serait pas une trahison, mais une précaution. « Ces candidatures ne sont pas de substitution à la tienne. Elles deviennent caduques si ta candidature est validée », insiste-t-il.
Peu imaginaient alors que cette lettre, signée du représentant des BRICS pour l’Afrique centrale et occidentale, deviendrait quelques jours plus tard le centre d’une agitation politique et médiatique.
Ce qui s’est réellement passé
Le 13 juillet, le parti réagit officiellement. Un communiqué signé de Sébastien Dano Djédjé, président exécutif du PPA-CI, dénonce une publication « orchestrée », attribuée à des médias proches du pouvoir. Il affirme que la lettre n’a jamais été enregistrée, et surtout, que le parti ne prévoit aucune alternative.
« Aucun plan B n’est à l’ordre du jour, la seule et unique candidature retenue est celle du président Laurent Gbagbo », martèle le texte, qui dénonce une tentative de diversion orchestrée, selon lui, pour masquer l’absence de candidat déclaré au RHDP.
Mais derrière la ligne officielle, les faits racontent une autre histoire.
Selon les informations exclusives recueillies par Linfodrome, la scène a bien eu lieu. Le 29 juin 2025, Ahoua Don Mello a été reçu par le président Gbagbo à son cabinet à Abidjan. Ce jour-là, c’est d’abord Nady Bamba, l’épouse de l’ancien chef de l’État, qui l’écoute pendant plus d’une heure. Puis Gbagbo lui-même descend pour entendre l’ancien ministre. Il lui demande de revenir le lendemain.
Mais à son retour, Ahoua Don Mello n’a plus eu accès au président du parti. Il est redirigé vers trois piliers du parti : Sébastien Dano Djédjé, Justin Koné Katinan et Gervais Tchéidé. Une rencontre tendue s’ensuit. « Ils lui ont fait comprendre que cette proposition est inacceptable. Mais il n’a pas reculé », confie une source bien informée. Don Mello laisse la lettre. Son contenu finira par fuiter.
Une inquiétude plus large
Ce que la lettre de Don Mello a mis en lumière, c’est une inquiétude croissante parmi les cadres du parti, sur l’absence de Laurent Gbagbo des listes électorales officielles. Et il n’est pas seul à poser le problème. Le 8 juin déjà, Arnaud Donatien Guéi, représentant du PPACI en Norvège, avait adressé à son tour une correspondance au président Gbagbo.
Dans cette lettre parvenue à Linfodrome, il liste plusieurs scénarios possibles : alliance stratégique, offensive diplomatique… mais aussi l’organisation d’une convention extraordinaire pour ‘’trouver un nouveau candidat le plus rapidement possible’’.
« Ce candidat devrait avant tout être une personnalité crédible qui puisse porter notre projet, incarner nos engagements auprès des électeurs, capables de rassembler la gauche ivoirienne et surtout être sur la liste électorale », écrit-il.
Cependant, au sein du PPA-CI, la ligne est ferme et assumée pour la majorité : le combat du parti ne se résume pas à une élection. Il s’agit aussi de restaurer une vérité politique. « Admettre un plan B, ce serait valider la condamnation de Gbagbo par contumace. Or cette condamnation est politique, injuste, et il est hors de question de la légitimer », explique un cadre du parti, interrogé par Linfodrome sur les raisons de la fermeture totale du PPA-CI à toute option alternative.
« On ne se résigne pas face à une injustice, on la combat », poursuit-il. « Gbagbo est le candidat du peuple. Le retirer, ce serait trahir notre combat pour la justice et la souveraineté. »
Dilemme
Pourtant, la question reste entière. Depuis son départ du pouvoir en avril 2011, Laurent Gbagbo n’a jamais pris part à une élection présidentielle. En 2015, son propre parti, le FPI conduit alors par Pascal Affi N’Guessan, a décidé de participer au scrutin sans son aval, ce qui a été perçu comme une forme de boycott indirect de sa part. En 2020, la plateforme EDS, qui portait sa candidature, a vu celle-ci rejetée par le Conseil constitutionnel, avant de se retirer du processus électoral.
Résultat : le RHDP a remporté un troisième mandat sans véritable opposition. Cette fois-ci, les militants veulent se battre. Mais comment le faire sans candidat validé ? C’est tout le dilemme du parti, tiraillé entre la loyauté envers Gbagbo et la peur d’une répétition de l’histoire.
Dans ce climat de crispation et de spéculations, une rumeur a fait son chemin : celle d’un mouvement politique parallèle initié par Don Mello. Une hypothèse que son entourage balaie fermement.
« Il reste fidèle au PPA-CI. Toute démarche électorale se ferait dans le cadre du parti, pas en dehors. Il n’a jamais été question de dissidence », affirme un proche de l’ancien ministre, joint par Linfodrome.
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Samuel KADIO
Journaliste Reporter
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