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La représentation de l’UE en Côte d’Ivoire doit prendre position publiquement, exige un eurodéputé
Publié le : 18 juillet 2025 par Samuel KADIO

L'eurodéputé allemand Michael Gahler - Ph:DR
À trois mois d’une présidentielle très disputée en Côte d’Ivoire, l’eurodéputé allemand Michael Gahler appelle la représentation de l’Union européenne à « faire quelque chose en public » face à ce qu’il qualifie de dérive préoccupante du processus électoral ivoirien.
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La Délégation de l’Union européenne en Côte d’Ivoire, dirigée par Francesca Di Mauro, doit sortir de son mutisme face aux tensions politiques croissantes dans le pays. L’exhortation ne vient pas d’un opposant ivoirien, mais d’un député européen de premier plan, Michael Gahler, spécialiste des questions africaines au Parlement de Strasbourg. Un coup de semonce qui tombe à pic, dans un contexte où l’opposition ivoirienne dénonce l’inertie, voire la complaisance, de certains partenaires internationaux.
« J'exige que nos représentants sur place, étant donné la situation actuelle, fassent quelque chose en public. (…) Je souhaite qu’ils prennent les devants et s’expriment publiquement », a déclaré M. Gahler devant ses collègues réunis à Strasbourg, le 15 juillet. « Je crois vraiment que notre ambassadrice ne doit pas rester taciturne sur cette situation. Il ne faut pas que nous soyons silencieux sur place », a insisté l'élu.
Verrouillage
Membre du Parti populaire européen (PPE), le groupe majoritaire au Parlement avec 188 élus, Gahler connaît bien les enjeux de gouvernance sur le continent. Son intervention survient alors que le climat politique ivoirien se dégrade à trois mois de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire.
Le président sortant Alassane Ouattara, bien qu'entretenant le flou, a été investi par le RHDP pour un quatrième mandat. En face, l’opposition reste fragmentée, mais déterminée, avec des candidatures déjà annoncées comme celles de Simone Gbagbo, Jean-Louis Billon, Vincent Toh Bi Irié ou Assalé Tiémoko.
Mais l’éviction de plusieurs figures majeures du paysage politique ivoirien – Laurent Gbagbo, Tidjane Thiam, Charles Blé Goudé et Guillaume Soro – tous radiés de la liste électorale, suscite de vives critiques. L’opposition parle de verrouillage du jeu politique.
Les tensions montent. Cinq responsables de la jeunesse du PDCI-RDA ont été arrêtés ces dernières semaines. Deux autres militants affirment avoir échappé à une tentative d’enlèvement. Quant au porte-parole du parti, Soumaïla Bredoumy, il a récemment quitté le pays pour échapper à une arrestation.
Face à cette situation, Michael Gahler appelle l’UE à ne pas détourner le regard. « Il faut exiger le respect strict des libertés fondamentales et des droits humains », a-t-il rappelé, invoquant les engagements internationaux ratifiés par la Côte d’Ivoire.
« Je crois que nous devons condamner les arrestations, les menaces et les intimidations à caractère politique à l'approche des élections présidentielles d'octobre 2025. Il faut lancer un appel au gouvernement ivoirien pour l'inviter à veiller à ce que toutes les procédures judiciaires respectent les normes nationales et internationales en matière de droit de l'homme », a-t-il poursuivi.
Une RLE avant octobre 2025 ou sanctions ?
Le député européen réclame également une révision de la liste électorale avant le scrutin d’octobre, comme le demandent les partis d’opposition, estimant que le processus doit être « conforme au Code électoral et à la législation nationale de la Côte d'Ivoire ». Pourtant, selon Ibrahim Kuibiert Coulibaly, président de la Commission électorale indépendante (CEI), une telle révision prendrait « en moyenne 6 à 7 mois » et risquerait de compromettre la tenue du scrutin. Pour Michael Gahler, ce n’est pas une excuse.
« Il faut inviter la commission électorale, le Conseil constitutionnel et le gouvernement ivoirien à prendre toutes les mesures nécessaires pour que tous les candidats qui le souhaitent puissent se présenter à la prochaine élection présidentielle sur un pied d’égalité », enjoint-il à la représentation de l’UE en Côte d’Ivoire.
Il l’invite à « réitérer l'importance et souligner la nécessité d'élections pacifiques, transparentes, inclusives et crédibles, comme base d'une gouvernance responsable, garantie de stabilité et de paix durable en Côte d'Ivoire, en Afrique de l'Ouest et au-delà. »
Non sans signaler que « les personnes portant atteinte au bon fonctionnement de la démocratie en Côte d'Ivoire peuvent faire l'objet des mesures restrictives, de même que celles qui cherchent activement à perturber le processus démocratique. »
Dans son intervention, il a en outre mis en garde contre un soutien financier européen tant que la situation électorale reste floue. « Aucun financement – pas un seul centime des 8 millions d'euros – ne doit être versé tant que tous les candidats éligibles ne sont pas autorisés à se présenter », a-t-il aussi exigé.
Selon le député Michael Gahler, il ne s’agit pas d’imposer des standards venus d’Europe, mais d’exiger le respect des engagements pris par les autorités ivoiriennes elles-mêmes : « Il ne s'agit pas du tout de donner des leçons… mais d’insister pour demander qu'ils respectent leurs propres règles. »
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Samuel KADIO
Journaliste Reporter
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