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Prestation de serment, réconciliation nationale/ Me Faustin Kouamé: « Les élections de 2020 seront terribles »

Publié le : 06 novembre 2015 par Tié TRAORE

Ancien ministre de la justice, Juriste-constitutionnaliste-consultant, auteur de plusieurs livres dont le dernier est une analyse sur les élections présidentielles en Côte d'Ivoire, Me Faustin Kouamé décrypte, dans cet entretien, le scrutin du 25 octobre dernier et les grands chantiers annoncés relativement à la Constitution.

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Alassane Ouattara, réélu président de la République, vient de prêter serment devant le Conseil constitutionnel. Quel est l'intérêt de cette cérémonie?

La prestation de serment est une étape très importante prévue par l'article 39 de notre Constitution. L'alinéa 2 de cet article dit ceci : « Dans les 48 heures de la proclamation des résultats définitifs, le président de la République élu prête serment devant le Conseil constitutionnel réuni en audience solennelle ». Mais, avant de passer au 2ème étage, il faut passer par le premier. L'alinéa 1 dit ceci : « Les pouvoirs du président en exercice expirent à la date de prise de fonction du président élu, laquelle a lieu dès la prestation de serment ». En clair, si nous voulons actualiser, les pouvoirs du président de la République en exercice, SEM Alassane Ouattara, élu en 2010, expirent aujourd'hui le 3 novembre 2015 parce qu'il prête serment. Dès cet instant, il y a un nouveau président de la République qui n'a pas encore nommé de Premier ministre et de ministre. Donc, l'ancien gouvernement ne peut prendre aucun acte. Cela veut dire que dans les plus brefs délais, l'ancien Premier ministre de l'ancien président doit venir présenter au nouveau président sa démission, parce qu'il faut raisonner comme si c'est quelqu'un d'autre qui a été élu président. Si un autre candidat avait été élu, l'ancien gouvernement ne peut pas continuer à fonctionner. Aujourd'hui même (mardi, jour de la prestation du serment, ndlr), le Premier ministre sortant doit venir présenter la démission du gouvernement au nouveau président de la République, qui va en prendre acte et qui lui dira alors de continuer à gérer les affaires courantes. Sinon, tout acte du gouvernement est nul et de nul effet et de nulle portée. En droit administratif, le défaut de qualité rend l’acte inexistant. En sorte que, la volonté du président de la République réélu de reconduire immédiatement le même gouvernement doit se traduire par deux actes de gouvernement : la démission du Premier ministre et de son gouvernement dont il prend acte, suivi de la reconduction immédiate. Du tout, procès verbal doit être dressé par le secrétariat général du gouvernement pour éviter que, plus tard, cela ne cause préjudice administratif aux ministres bénéficiaires.

Si on vous suit bien, le gouvernement est cassé…

En quelque sorte, mais il est plus juste de dire que l’expiration des pouvoirs du président de la République sortant emporte, par ricochet, l’expiration de ceux du gouvernement. De même, la prestation de serment du nouveau président élu implique aussi la reconduction de l’ancien gouvernement par un acte express. C'est un nouveau président, dont le mandat commence avec la prestation de serment. Or, en la matière, il n'y a pas de reconduction implicite du gouvernement au motif que le président élu est le même que le président sortant. Ses pouvoirs de président du précédant quinquennat ayant expiré par la prestation de serment, il n'existe donc plus de gouvernement. Même s'il se succède à lui-même, la loi dit que ses pouvoirs liés à son élection en 2010 expirent aujourd'hui, et il entre en fonction à partir de la prestation de serment devant le Conseil constitutionnel. Donc, c'est un nouveau président. Tant qu'il n'a pas nommé un Premier ministre, le gouvernement ne peut prendre aucun acte. Il serait vivement souhaitable que la volonté exprimée du président Ouattara de « continuer avec le même gouvernement pour gagner du temps » devrait se traduire par des actes de gouvernement conformément aux dispositions de l’article 41 de la Constitution. Vous savez que dans les régimes parlementaires, quelquefois, il y a un décalage de 30 jours à 60 jours, mais ici, comme c'est un régime présidentiel fort, tout se fait en 48 h.

La prestation et l'investiture sont-elles deux rituels distincts?

L'investiture est une cérémonie qui n’est pas expressément consacrée par notre Constitution. Cela n'est pas prévu par la Constitution et n'existe pas dans notre système institutionnel. La Constitution ne connaît que la prestation de serment. C'est, j'allais dire, une pratique, une fête républicaine. Dans le passé, vous l'avez vu, les présidents Houphouët-Boigny et Bédié n'ont pas été investis comme ce fut le cas en mai 2011 à Yamoussoukro. Vous êtes élus, vous prêtez serment et vous entrez en fonction immédiatement. Après cela, il n'y a plus rien. Le reste n'est qu'une fête républicaine pour y associer tous ceux qui n’ont pu participer à la prestation de serment à cause de la brièveté du délai.

Quelle analyse faites-vous du déroulement du scrutin du 25 octobre dernier ?

L'élection du 25 octobre s'est convenablement bien déroulée. Par contre, ce que je reproche en général aux candidats, c'est que beaucoup ne tiennent pas compte de que la présidentielle, au regard de la loi, se tient sur 5 ans. L’article 6 du code électoral indique clairement que la liste électorale est permanente et publique et elle doit être révisée chaque année. Donc, si vous voulez être candidat à la présidence de la République, vous devez, chaque année, exiger et obtenir de la Commission électorale, la révision annuelle de la liste électorale. Mais, les candidats en général attendent moins d'un an avant l'élection présidentielle pour contester le processus d'organisation. On n'attend pas 3, 4, 5 ou 6 mois pour dire :« je ne suis pas d'accord des conditions d'organisation de l'élection ». Une élection présidentielle se prépare sur 5 ans et non à quelques mois du scrutin. Quelqu'un qui veut être candidat se prépare sur 5 ans. Chaque année, il y a un travail à faire. La seconde observation, c'est un peu cette cacophonie de retraits de candidatures. Nul ne peut être candidat malgré lui. Mais, après la publication de la liste définitive des candidats, la machine est en marche pour l'impression des documents électoraux, dont le bulletin de vote. A partir de ce moment, les candidats ne s'appartiennent plus. Ils appartiennent désormais au domaine électoral public, surtout aux électeurs. Le candidat qui se désiste, ne peut réduire au silence plus de 6 millions d’électeurs dont l’expression du droit de vote l’emporte sur la volonté individuelle du candidat. Il y a plus de 6 millions d’électeurs qui peuvent élire celui qui se désiste. Entre 6 millions et une volonté de retrait exprimée, la balance va naturellement du côté des électeurs.

Un des candidats, qui avait annoncé son retrait, a introduit un recours en annulation du scrutin avant d'être débouté par le Conseil constitutionnel. Quels commentaires faites-vous de la décision rendue?

D'abord, je voudrais dire que le fait que le Pr Mamadou Koulibaly ait introduit un recours confirme bien ce que je dis. A partir du moment où le Conseil constitutionnel valide votre candidature, même si vous vous mettez hors jeu, vous êtes toujours dans le jeu. Cela confirme bien qu'il était dans le système. Il n'y a pas deux poids, deux mesures. Ou bien vous êtes candidat, ou bien vous ne l'êtes pas. Il sait bien qu'il est candidat et qu'il participe au processus électoral. C’est bien parce qu'il participe au processus électoral qu’il a pu faire un recours. Maintenant, j'ai lu la décision du Conseil constitutionnel. Si on peut reprocher à cette institution d'avoir fait beaucoup de développement et de gymnastique juridique en vue de la proclamation de la liste définitive des candidats, la décision portant proclamation des résultats définitifs du scrutin, c'est un véritable chef d’œuvre juridique. Mais, je pense qu'il n'est pas nécessaire de dire «Alassane Ouattara est élu président de la République de Côte d'Ivoire », mais tout simplement « Alassane Ouattara est élu Président de la République ». A l'occasion d'une conférence internationale où il y a plusieurs Chefs d'Etat, on peut le dire, pour une élection présidentielle en Côte d’Ivoire, on n'a pas besoin de mettre dans la décision qu'il est élu président de la République de Côte d’Ivoire. Cela en raison du principe de de la compétence juridictionnelle territoriale. Le candidat proclamé élu est forcément président de la Côte d’Ivoire. A part cela, la décision du Conseil constitutionnel est un chef-d’œuvre juridique. Le dispositif de la décision est en harmonie. L'essentiel, c'est le dispositif. Il n'y a rien à dire à part ce petit point comme nous le développons dans le livre que nous terminons sur la présente élection présidentielle.

Comme chantiers, le président réélu annonce le toilettage de la Constitution et l'introduction d'un poste de vice-président. Qu'en pensez-vous?

J'ai des principes. Etant donné que je suis un ancien membre du gouvernement, je ne peux pas publiquement donner un avis sur un sujet relatif à la gestion de l'Etat. Je vais simplement me contenter de faire des observations générales. J'ai été le premier à indiquer que 55 ans après, la Côte d'Ivoire méritait une autre Constitution. Pour ce qui est du poste de vice-président qui est annoncé, j'ai entendu dire qu'on fait référence au système anglo-saxon avec des pays comme le Ghana, le Nigeria... On n'a pas du tout le même système. Il faut comparer des choses comparables. En Afrique francophone, la vice-présidence est pratiquée au Burundi et aux Iles Comores. Au Burundi, par exemple, c'est après une décennie de crise qu'ils ont institué, non pas une vice-présidence, mais deux vice-présidents. C'est l'une des formes les mieux élaborées puisqu'il y a une présidence tournante, étant entendu que le 1er et le 2ème vice-présidents ne doivent pas appartenir, ni à la même formation politique, ni à la même région. C'est extraordinaire pour consolider l'unité nationale. Quand on sort d'une crise, il faut la consolider. Donc, je souhaite qu'il n'y ait pas une vice-présidence, mais plutôtdeux vice-présidents dont l'un revenant de droit à l'opposition significative et deux vice-premiers ministres dont un revenant également à l'opposition.

A quoi répond ce schéma ?

A la consolidation de la sortie de crise, tout simplement. J'ai bien indiqué dans mon ouvrage que si l'élection de 2010 a été qualifiée d'élection de sortie de crise, celle de 2015 est une élection de consolidation de la sortie de crise. Et en 2020, on reviendra à la normalité institutionnelle. Dans mon schéma, le président, les 2 vice-présidents et les 2 vice-premiers ministres ne doivent appartenir à aucune des 5 régions du pays. Je considère que chaque parti a au moins un cadre au Nord, au Sud, au Centre, à l'Est et à l'Ouest. Comme il s'agit de consolider la sortie de crise, nous pouvons l'expérimenter sur 5 ans et on reviendra à la normalité. Maintenant, je le concède, quand vous n'êtes pas au pouvoir, il y a des paramètres qui vous échappent. Mais, on ne doit pas avoir pour référence le système anglo-saxon, parce que c'est radicalement différent. Il ne faut pas faire comme dans les années 1980, quand le président Houphouët-Boigny a institué l'intérim. Le vice-président anglo-saxon est élu en même temps que le président de la République. Or, dans le système francophone, on n'a jamais voulu qu'un vice-président soit élu en même temps que le président. On a toujours estimé qu'il va se croire l’alter-ego du président de la République. Dans tout le système francophone, c'est le président de la République qui nomme. Si cela ne change pas, alors on peut se contenter d'un Premier-ministre et renforcer ses pouvoirs. Chaque pays a ses choix et ses raisons. Mais, la vice-présidence ne doit pas être une initiative pour écarter un collaborateur et positionner un autre. La vice-présidence ne doit pas être instituée pour écarter quelqu'un ou pour donner une longueur d'avance à un citoyen par rapport à un autre. La Constitution n'est pas faite pour écarter ou positionner un citoyen. Une disposition ne doit donc pas y être introduite dans ce sens. En 2020, il faut accorder l'égalité des chances à tous les Ivoiriens qui veulent être candidats à la présidence de la République. Les avancées démocratiques, c'est pour aboutir à un système dans lequel tous les enfants du pays ont la même chance de se porter candidat pour diriger le pays. D'ailleurs, même si celui sur qui se portera le choix du président n'a pas l'onction du peuple, il ne sera pas élu en 2020.

Dans ce cas, pourquoi, à peine annoncée, la vice-présidence suscite tant de débats...

Tout simplement parce que l'on pense que celui qui organise les élections les gagne toujours. Il faut se mettre dans la tête qu'on peut gagner des élections sans les avoir organisées. C'est pour cela que beaucoup s'agitent, perdent la sérénité en pensant, par rapport à 2020, que la vice-présidence vient régler le problème de tel collaborateur ou positionner tel autre. Mais, on ne peut pas consacrer avec le poste de vice-président, un dauphin pour donner une longueur d'avance à un citoyen sur les autres. Ce serait inconcevable.

Certains pensent que le président veut déjà régler la question de la succession avec la formule de vice-présidence. Qu'en dites-vous ?

Un chef, un père de famille, est conscient toujours de l'héritage qu'il va laisser. Et il prend des dispositions en conséquence pour la gestion. Vous ne pouvez pas diriger un pays comme la Côte d'Ivoire pendant 10 ans et dire : ''après moi, advienne que pourra''. Non, c'est légitime que le président Ouattara pense déjà à la succession. Il ne faut pas laisser un pays comme la Côte d'Ivoire à l'aventure. Mais, il faut savoir que ce sont les électeurs qui votent. Il peut passer la main à X ou à Y du Pdci, du Rdr... Mais, s'il vous passe la main et que vous n'êtes pas capable, le peuple ne va pas voter pour vous. Ça, il faut le savoir. Le président Ouattara connaît les Ivoiriens. Il connaît au mieux tous ses collaborateurs. Donc, il peut préparer le terrain pour deux, trois ou quatre collaborateurs. En politique, on ne mise pas sur un seul proche. Mais, chacun va faire ses preuves auprès des électeurs.

A qui pensez-vous parmi les proches du président Ouattara pour être le dauphin ?

C'est une question terrible. Mais, sachez tout simplement que les élections de 2020 seront terribles. 2020 sera l'élection la plus redoutable. Tous ceux qui, par rapport à un respect et une éducation républicaine n'ont pas voulu être candidats à cause des choix des présidents Bédié et Ouattara, seront candidats en 2020, même si on met la caution à 100 millions de nos francs.

Quelles sont les modalités institutionnelles de l'introduction de la vice-présidence ?

Depuis la Constitution référendaire du 23 juillet 2000, tout ce qui concerne l'élection du président de la République, les conditions d'éligibilité et les modalités d'exercice du mandat présidentiel, constitue un cas de référendum obligatoire. Or, il se trouve que la vice-présidence est une modalité d'exercice du mandat présidentiel en ce sens que le président de la République ne sera plus le détenteur exclusif du pouvoir exécutif. C'est donc un cas de référendum obligatoire. Mais, comme nous sommes dans une consolidation de la sortie de crise, seul une concertation et un accord des forces politiques et sociales, notamment la société civile, peut permettre d'avoir une voie médiane sans passer obligatoirement par le référendum.

Venant de vous, c'est surprenant, vous le défenseur acharné de la Constitution...

Non. Je vais vous mettre à l'aise. Quand il y a eu la crise, la Constitution était bien là. Mais, comme il était difficile de l'appliquer, il y a eu des accords entre les forces politiques. C'est ce qui a fonctionné jusqu'aujourd'hui. Aucun observateur de la vie politique nationale ne peut le nier. A un certain moment, quand la société, dans son ensemble, trouve autre chose que le référendum, en attendant de l'intégrer, on s'en contente. Maintenant, s'il n'y a pas de consensus entre les forces politiques et sociales, le peuple tranche. On se réfère donc au référendum.

A propos, quelles dispositions de la Constitution souhaiteriez-vous voir modifiées?

Je suis pour une révision en profondeur de la Constitution. La Constitution, c'est la loi fondamentale. Est-ce qu'on doit y maintenir que le président de la République est le détenteur exclusif du pouvoir exécutif ? Dès lors que vous adoptez la notion de vice-présidence, vous atténuez la notion de détenteur exclusif du pouvoir exécutif. En annonçant la vice-présidence, le président Ouattara est conscient qu'il va partager son pouvoir. Il faudra aussi voir le rapport entre l'Assemblée nationale et le pouvoir exécutif. Ainsi que la question de la promotion des femmes et des jeunes. Il faut introduire dans la Constitution la loi du 1/3. Il y a aussi l'article 35. Tout le monde est d'accord qu'il faut régler définitivement cette question. A preuve, si j'avais été le président du Conseil constitutionnel, aucune candidature n'allait être retenue.

Pourtant, vous donniez de la voix pour une application souple de l'article 35 …

Mais, j'ai été combattu dès que j'ai parlé d'application souple de la Constitution. Après, tout le monde se rend bien compte que j'avais raison. La loi électorale, c'est au cas par cas. Le Droit doit avoir une fonction d'utilité sociale. Les juges ne perdent pas cela de vue. Surtout en matière électorale. Sans compromis, on prend toujours des décisions qui permettent à la société d'avancer. C'est d'ailleurs pourquoi je regrette qu'on ait retiré à la Faculté de Droit, la sociologie juridique. C'est bien dommage.

Pensez-vous que le contexte actuel est favorable à une consultation référendaire ?

Le contexte est favorable. On ne va pas traîner cela pendant 10, 15 ans encore. Les 5 ans de ce mandat devront permettre de mettre les bouchées doubles à tous les niveaux. Comme le premier mandat a servi à la réalisation des impératifs macro-économiques, le président Ouattara a le temps maintenant de s'occuper de l'aspect institutionnel et du panier de la ménagère. Le meilleur moment de réviser une Constitution, c'est quand personne n'est encore candidat. De sorte qu'une disposition n'arrange ou ne dérange tel ou tel autre acteur. C'est pour cela que j'ai toujours dit que le code électoral, on ne devrait pas y toucher 12 mois avant l'élection. Il vaut mieux le faire maintenant. Sinon, on dira qu'on veut écarter un tel et favoriser un tel autre. Or, la loi est générale et impersonnelle. Il faut donc une Constitution dans laquelle tout le monde se reconnaît, et cela doit se préparer maintenant.

Des cadres du Pdci appelés ''irréductibles'' ont boycotté le scrutin présidentiel. Comment entrevoyez-vous leur avenir politique?

Je voudrais ici appeler les Ivoiriens à retirer de la parole du domaine public, le mot ''irréductible'' ou encore ''frondeur'' et ''affidé''. Ce sont des mots qui divisent. On a dit que l'Ivoirité divise, il en est de même pour ces expressions qui stigmatisent des citoyens qui ont d'autres approches. On est dans une famille. On est dans la réconciliation qui doit être tentaculaire et globale. Quand un frère a une autre approche que vous, faites-le savoir et adressez-vous à lui de sorte à lui permettre de revenir dans la famille. Le président Bédié avait une vision et admettait difficilement que tous ne l'intègrent pas. Aujourd'hui que l'élection est terminée, les enfants de la Côte d'Ivoire doivent se rassembler pour avancer. Il ne faut pas entrevoir la réconciliation juste par rapport aux forces ex-belligérantes. Elle est globale. Les concepts qui stigmatisent certains frères et sœurs, il faut les sortir de notre vocabulaire. En tout cas, je pense qu'ils ont leur pierre à apporter à la construction de notre pays. Il faut leur permettre de jouer un rôle, surtout au niveau de la cohésion sociale. C'est pourquoi je souhaite que les présidents Bédié et Ouattara leur fassent, par exemple, une visite à la maison chez eux. C'est le chef qui s'humilie, qui se rabaisse pour un objectif. Tout ce qui peut être fait pour la réconciliation doit être fait. Il est toujours possible de créer une plate-forme avec des approches différentes. Sinon, on serait dans le totalitarisme.

Comment entrevoyez-vous votre idée de réconciliation globale dans un contexte de crise interne dans plusieurs partis comme le Fpi, le Mfa et autres ?

Vous savez, quand on a pour objectif d'avancer ensemble, il y a des approches. Une nation n'avance que si elle s'accorde sur un minimum de valeurs communes. C'est cela qui fait la grandeur et la force des USA, de la France, etc. Quand il y a un débat sur les plateaux de télévision étrangère et qu'un invité ivoirien fait deux ou trois phrases, vous savez tout de suite qu'il est du pouvoir ou de l'opposition. Ce n'est pas cela qu'on attend de nous. Aujourd'hui, nous avons deux Ivoiriens, non des moindres, qui se trouvent à La Haye. Certains disent, ''non, il faut qu'il y ait aussi deux de l'autre camp''. Quelle est la valeur sociale qu'on défend? Notre satisfaction ne doit pas être de dire qu'il y ait un équilibre de prisonniers à La Haye. La valeur sociale que je défends, c'est qu'aucun Ivoirien ne soit, ni devant la Cpi (Cour pénale internationale), ni en prison ici, en Côte d'Ivoire. Il n'y a pas de valeur commune comme au Kenya.C'est-à-dire une valeur qui exhale à aller en prison au nom de la justice et une autre qui dit, ''c'est vrai, il faut qu'on sorte de prison et que d'autres y soient''. Non, ma position, c'est que la réconciliation est essentiellement sociale et réparatrice, et non répressive.C'est pour cela que j'ai sollicité la création d'un impôt spécial pour les victimes de guerre, avec une ponction sur les salaires de plus de 500.000 F. Il y a une sorte d'effet de catharsis quand on juge. Mme Gbagbo n'est pas du pouvoir mais il s'est opposé à ce qu'elle parte à La Haye. Ce qu'on fait pour elle, on peut aussi le faire pour d'autres.

A partir du moment où certains ont déjà été transférés, notamment l'ex-président Laurent Gbagbo et Blé Goudé, pensez-vous que l'avènement de cette valeur commune peut faire pencher la balance pour leur retour au pays ?

Tout est possible pour un peuple uni. Il faut conjuguer nos efforts pour que les deux qui sont à La Haye reviennent au pays. On ne met pas de pression sur la justice internationale. Mais, quand on voit ce que veut tout un peuple, on en tient compte. Mais, quand une partie du peuple dit qu'ils restent à La Haye et qu'une autre soutient qu'il faut que d'autres viennent pour l'équilibre des poursuites, on ne peut pas nous prendre au sérieux. Il faut que nous démontrions que nous avons une valeur commune sur laquelle nous avons un accord, parce qu'on appartient au même pays, et que nous déployions nos énergies pour libérer ceux qui sont déjà en prison et éviter que d'autres y aillent. Le pouvoir a un rôle à jouer. De même que l'opposition. C'est pourquoi, à l'opposition, je voudrais demander de ne pas privatiser la détention de l'ex-président à la Haye. Il est inculpé et interné à La Haye non pas en tant que président d'un parti politique, mais en tant que président de la République. Il faut donc étendre le combat de sa libération. Je reviens à la valeur sociale commune que nous partageons pour que nous pussions mener les combats dans l'intérêt de tous. Tel est mon appel à tous les Ivoiriens.

Interview réalisée par TRAORE Tié

Sauf autorisation de la rédaction ou partenariat pré-établi, la reprise des articles de linfodrome.com, même partielle, est strictement interdite. Tout contrevenant s’expose à des poursuites


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Article rédigé par

Tié TRAORE

Journaliste Reporter

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