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Addiction à la drogue dans les Cartels : Le Kush, poison silencieux qui gangrène la Sierra Leone
Publié le : 30 juin 2025 par DJOMANDE Aziz

UN JEUNE FUMANT DU KUSH (PH:DR)
C'est un matin comme tant d'autres à Bo, deuxième ville de la Sierra Leone. Une cinquantaine de jeunes, en majorité des garçons, sont rassemblés dans un hangar militaire. Ils s'apprêtent à entamer une cure de désintoxication de quatre semaines. Tous sont consommateurs de kush ou drogue du zombie, une drogue de synthèse dévastatrice qui prolifère dans le pays. La ministre des Affaires sociales, Melrose Karminty, est présente pour cette ouverture. Elle parle d’« épidémie ».
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Le kush, un mélange de feuilles locales et de substances chimiques puissantes comme les nitazènes opioïdes jusqu'à 25 fois plus puissants que le fentanyl plonge les jeunes dans une spirale de dépendance et de désœuvrement. En avril 2024, face à l’ampleur du phénomène, le président Julius Maada Bio a déclaré l’état d’urgence sanitaire. Pour les autorités, il s'agit moins de punir que de comprendre. « Ces jeunes sont des victimes », a-t-il déclaré. Une posture saluée par des familles qui voient là une dernière chance pour leurs enfants.
Des familles brisées, une jeunesse désorientée
Le kush a transformé la vie de nombreuses mères. A Bo, Isata, mère célibataire et policière, raconte les violences, les vols, la peur au quotidien. Son fils de 20 ans, accro depuis cinq ans, vend ses affaires, profère des menaces, disparaît pendant des jours. Elle n'est pas un cas isolé. Dans les cellules de soutien familial de la police, les plaintes de parents se multiplient.
« Le kush pousse nos jeunes à manger dans les ordures, à errer sans but. Ailleurs, à mon âge, j'aurais déjà une maison, une voiture », lance un jeune homme.
Dans les ghettos de Freetown comme Grey Bush, les « cartels » se multiplient. Ces lieux de consommation se trouvent dans les terrains vagues, au bord des égouts. Les jeunes y fument, souvent en silence, jusqu'à l'épuisement. Ramadan, 23 ans, fréquente l'un de ces points. Pour calmer ses douleurs physiques dues au manque, il doit acheter sa dose. Sinon, son corps se détraque. « On ne voulait pas de cette drogue, elle est venue à nous », dit-il, désabusé.
Des communautés en résistance face à l’absence d’État
Face à l’insuffisance des moyens publics, certains habitants prennent le relais. A Bungatown, un centre informel reçoit chaque matin plusieurs dizaines de jeunes. Sans infrastructure solide, les bénévoles offrent repas, soins, soutien moral. « On fait comme on peut. Ce sont nos frères, on ne peut pas les ignorer », souffle un habitant. Certains dealers eux-mêmes s’occupent des addicts, dans une logique ambivalente de dépendance et de protection.
Michael, qui dirige un point de vente à Funkia, explique comment la drogue est préparée : feuilles de guimauve, substances venues de Chine, des Pays-Bas ou de Grande-Bretagne. Il achète en gros, revend au détail. « On a toujours des problèmes avec la police. Parfois on s’arrange, parfois non ». La Sierra Leone est devenue une plateforme d’exportation du kush vers d’autres pays d’Afrique de l’Ouest. L’Agence nationale de lutte contre la drogue alerte sur un trafic aux ramifications internationales.

Les produits chimiques sont parfois dissimulés dans des containers alimentaires, ou envoyés par courrier via des plateformes comme Alibaba. Joseph Sankis Gbangura, responsable d’un centre d’accueil de l’ONG Social Linkages, estime que 6 000 à 7 000 jeunes sont déjà tombés dans l’addiction. Pour lui, l’urgence est d’offrir des perspectives. « Quand ils sortent de cure, que fait-on pour éviter la rechute ? Certains n’ont même pas de toit. »
Le rapport de l’Initiative globale contre le crime organisé recommande un meilleur accès aux traitements de substitution et une formation spécifique des soignants aux effets du kush. Il appelle aussi à renforcer la surveillance des exportations de substances précurseurs depuis l’Europe et la Chine. A Freetown comme ailleurs, c’est tout un avenir qu’il faut sauver. Pour beaucoup, l’espoir se joue dans les petites solidarités locales, en attendant un vrai sursaut politique.
#Guinee🇬🇳 | Pour protéger nos jeunes contre la drogue, notamment la Kush, il est de notre devoir de collaborer avec les forces de l’ordre en signalant les lieux de consommation ou de vente.
— Baben Soro 🇬🇳🕊 (@BabenSoro) June 28, 2025
Et si certains parents tentent de corrompre les autorités pour faire libérer leurs… pic.twitter.com/VyBuSBqJZ7
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DJOMANDE Aziz
Journaliste Reporter
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