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Unité de médecine naturelle du Chu de Treichville : 70 mille malades consultés en 4 ans

Publié le : 25 aout 2017 par Charles d’Almeida

Le 31 août de chaque année, l'Afrique célèbre la journée de la médecine traditionnelle. En Côte d'Ivoire, l'opportunité est donnée aux spécialistes de cette médecine, de montrer au grand public leur savoir-faire. A cette occasion, la bibliothèque nationale, cadre de l'événement, se transforme en une officine géante. Aboutou Koffi Kouassi, le chef de l'unité de médecine naturelle du Chu de Treichville, donne les raisons de l'institution de cette journée et ce que l'unité qu'il dirige a pu réaliser en quatre années d’activités.

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Le petit bureau qu'il occupe dans le bâtiment blanc qui abrite l'unité est d'une grande sobriété, à l'image même de son occupant. Le maître des lieux passe presque inaperçu. Dans la foule de patients venus le consulter, beaucoup sont surpris de découvrir que c'est cet homme totalement effacé qu'ils sont venus rencontrer. Malgré le monde qui l'attendait, il a accepté de consacrer quelques minutes de son temps pour parler de cette journée qui va réunir dans une dizaine de jours les spécialistes dans l'art de soigner par les plantes. L'idée d'une journée africaine de la médecine traditionnelle, dira-t-il, remonte à avril 2001 à Abuja au Nigeria, lors d'une rencontre des chefs d'Etat africains. A ce sommet, ces dirigeants ont estimé que le continent doit prioriser la recherche en médecine traditionnelle, à laquelle ont recours 90 % des populations. C'est ainsi qu'ils ont décrété la première décennie de la médecine traditionnelle (2001-2010), puis une seconde (2014- 2023). L'Organisation mondiale de la santé (Oms), qui partage cette vision, va approuver en 2003 l'institution d'une journée africaine de la médecine traditionnelle.

Comment l'argile qui servait à la poterie est devenue un remède miracle

Ce mois d'août 2017 coïncide avec les 10 ans de pratique de la médecine traditionnelle de ce potier de renom, formé en Tunisie et en Europe, aujourd'hui reconverti en naturothérapeute, sa vraie vocation avoue-t-il. Ce sexagénaire devenu l'un des tradipraticiens les plus connus du pays, affirme qu'il n'a fait que répondre à un appel. En 1996, le potier qu'il était a mis au point une composition d'argile dont lui seul avait le secret. Il ne savait pas qu'une décennie plus tard, sa trouvaille allait devenir un remède miracle pour soigner des milliers de personnes. « En 2007, je me suis intoxiqué et, instinctivement, je me suis servi de cette argile composée pour me soigner. Quelques mois plus tard, c'est cette même argile qui a miraculeusement guéri mon fils qui souffrait de calculs rénaux ».

C'est ainsi que, tout en poursuivant son travail de potier dans le centre qu'il a ouvert à Grand-Bassam, Aboutou soignait toutes sortes de maux avec son argile. Le 6 août 2009, le ministère de la Santé lui donne l'agrément d'exercer officiellement la profession de médecin traditionnel. Le 21 septembre 2010, grâce à une convention signée avec le Programme national de promotion de la médecine traditionnelle (Pnpmt), chargé d’encadrer les praticiens de la médecine traditionnelle, il crée son tout premier centre d'argilo-thérapie à Grand Bassam. Le 23 juin 2011, avec toujours le soutien du Pnpmt, il ouvre un second aux II Plateaux Angré.

Il ne s'arrêtera pas là, car pour s'assurer de la qualité de ses produits, il obtient l'accord du Pnpmt en vue de faire analyser son argile et d'autres de ses médicaments dans un laboratoire au Ghana. Les résultats sont édifiants. A preuve, la ministre de la Santé de l'époque, le professeur Thérèse N'dri Yoman, lui décernera un certificat d'excellence pour la médecine traditionnelle et la pharmacopée. Au cours de la même année, l'argilo-thérapeute adresse une requête au Dr Kroa Ehoulé, le directeur du Pnpmt, aux fins d’appuyer sa demande de création d'une unité de médecine traditionnelle au Chu. Pour obtenir le précieux sésame, il devrait prouver de quoi il est capable.

Il explique comment il a réussi à convaincre les autorités sanitaires : « Avant d'être autorisé à exercer au Chu de Treichville, nous avons fourni les preuves de notre savoir-faire dans le traitement de certaines maladies, notamment le diabète, l'hypertension et la drépanocytose. Nous avons pu efficacement soigner 500 personnes souffrant de ces pathologies. Quand, au bout de 7 mois de traitement, la formule sanguine d'un drépanocytaire change, c'est un quasi miracle ! Quand après 7 mois de soins, un diabétique n'a plus d'hyperglycémie, qu'il peut manger normalement sans que son taux de glycémie ne monte, c'est une prouesse ! Lorsque l'hypertendu que nous avons suivi n'a plus besoin, au bout d'un certain temps, de prendre des médicaments à vie, c'est étonnant ! Ces succès ont convaincu les autorités sanitaires, qui ont estimé que nous avons notre place au Chu.»

Deux ans après, le rêve devient réalité.

Le 9 août 2013, un hôpital public accueille la toute première unité de médecine naturelle du pays. «Au Chu de Treichville, nous avons à notre disposition un médecin généraliste que nous avons formé en médecine traditionnelle. C'est lui qui reçoit d'abord les malades, pose le diagnostic, avant que nous ne commencions le traitement. Nous travaillons donc en étroite collaboration avec la médecine moderne. De 2013 à 2016, ce sont au moins 70.000 malades venus aussi bien de la Côte d'Ivoire que de l'étranger qui ont eu recours à nos traitements. Nous faisions en moyenne 120 consultations par jour. Pour fournir des médicaments à tous ces malades, notre unité de production de Grand-Bassam produit en moyenne 10.000 bouteilles de médicaments par mois. L'expérience est donc un réel succès ». C'est sans doute ce qui a motivé le gouvernement à autoriser officiellement l'exercice de la médecine traditionnelle par la Loi n°2015-536 du 20 juillet 2015 relative à l’exercice et à l’organisation de la médecine et de la pharmacopée traditionnelles.

Pour Aboutou Koffi, c'est une consécration, une reconnaissance par l’État d'une médecine à laquelle la quasi totalité des Ivoiriens a recours. Pour mériter cette confiance, le naturo-thérapeute n'hésite pas à fournir aux autorités un bilan annuel de ses activités : « Dans un souci de transparence dans les soins que nous prodiguons aux populations, nous établissons chaque fin d'année un rapport d'activités que nous faisons déposer à la Présidence, à la Primature, à l'Assemblée nationale et au ministère de la Santé ». La seule unité de médecine naturelle du Chu de Treichville ne peut pas recevoir tous les malades du pays. Ceux de l'intérieur effectuent souvent de longues distances pour y venir se faire soigner. En attendant que le gouvernement accède au vœu le plus cher de l'argilo-thérapeuthe, à savoir l'ouverture dans tous les établissements sanitaires du pays, d'une unité de médecine traditionnelle, Aboutou Koffi veut au moins rendre ses médicaments plus accessibles aux patients, en installant des dépôts de vente de ses produits aussi bien à Abidjan (Koumassi, Angré, Yopougon) qu'à l'intérieur du pays (Bouaké).

Une parfaite cohabitation entre les deux médecines

Depuis quatre années qu'il exerce au Chu de Treichville, le naturo-thérapeute se félicite de la cohabitation entre les deux médecines : la moderne et la traditionnelle. «C'est l'occasion d'exprimer ma profonde gratitude au président de la République qui a légalisé l'exercice de la médecine traditionnelle, et aux autorités du Chu de Treichville pour cette parfaite collaboration. Depuis quatre ans que nous travaillons dans cette unité de soins naturels, aucun professeur, aucun docteur, aucun patient, ne s'est plaint des soins que nous prodiguons », se réjouit le spécialiste. Néanmoins, certains patients plaident pour une réduction du prix des médicaments. Tout en comprenant les difficultés financières de ces malades, le tradipraticien justifie le coût de ses produits : «Pour produire une seule bouteille de médicament, nous dépensons 3000 Fcfa.

Pour répondre aux normes d'hygiène, nous n'utilisons pas de bouteille usagée. Nos produits sont conditionnés dans des bouteilles neuves, spécialement commandées chez un industriel. Tout cela a un coût, tout comme le personnel qui travaille au centre de production de Grand-Bassam et au Chu, à savoir un médecin détaché que nous payons, un infirmier, un laborantin, un informaticien. Au total, une quarantaine de travailleurs. Nous importons certains produits (plantes, sels et autres) d'Europe ou d'Afrique qui entrent dans la composition de nos médicaments. Tout ceci a une incidence sur le prix de revient des médicaments qui reste malgré tout raisonnable », explique le patron de l'Unité de médecine naturelle.

Pour lui, une subvention de l’État pour la production des médicaments, réduirait leur coût. Mais, regrette-t-il, cette subvention tarde à venir, malgré la loi qui régularise la pratique de la médecine traditionnelle. Pour sauver de nombreux malades sans moyens, il organise de temps en temps des journées de consultations et de soins gratuits. Au terme d'une demi-heure d'entretien, il était temps de prendre congé du responsable de l'unité de médecine naturelle, que de nombreux patients attendaient. Mais avant cela, il fallait qu'il éclaire l'opinion sur cette rumeur de fermeture de l'unité, qui avait circulé il y a quelques mois. « Oui, ces rumeurs sont fondées », affirme Aboutou Koffi. Le naturothérapeute explique qu'un beau matin, des gens sont venus, alors qu'il était absent pour avertir le personnel d'une prochaine fermeture de l'unité. « J'ai aussitôt appelé le médecin qui y travaille avec moi pour qu'il demande à ces visiteurs les motifs de cette décision, et qui a donné l'ordre de fermer le centre ».

Il précise qu'une convention existe en bonne et due forme entre lui et le Chu et que jusqu'à preuve du contraire, il n'a enfreint à aucune loi pouvant justifier la fermeture de l'unité. «Si nous sommes encore là, comme vous le constatez vous- mêmes, c'est qu'il n'y a pas de quoi s'inquiéter. Nous respectons scrupuleusement les clauses du contrat, en faisant contrôler nos produits, en fournissant des soins de qualité aux malades. Veut-on m'empêcher de parler de ma science ? Eh bien, qu'on interdise aussi aux professeurs en médecine ou aux spécialistes de telle ou telle maladie de s'ouvrir aux journalistes qui les sollicitent ! Nous n'allons pas fermer nos portes à un journaliste qui vient à nous, pour s'informer et informer le public ! Mon peuple périt faute de connaissance, lit-on dans la Bible, dans Osée chapitre 4 verset 6. Je vous apprends que je ne reçois pas que des journalistes de Côte d'Ivoire, j'en reçois d'autres qui viennent de très loin, de pays d'Afrique et d'Europe. De même qu'on n'allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, de même on ne cache pas au public une science dont Dieu vous a fait grâce. Si je ne communique pas sur ma science, je fais du tort à nombre de malades en quête de guérison. L’État ne nous encourage t-il pas à divulguer nos trouvailles, afin de ne pas mourir avec notre science ? Je tiens donc à rassurer tout le monde que nous n'avons aucun problème. Le centre fonctionne normalement en étroite collaboration avec les responsables du Chu de Treichville et du ministère de la Santé ».

 

Propos recueillis par Charles d'ALMEIDA

Sauf autorisation de la rédaction ou partenariat pré-établi, la reprise des articles de linfodrome.ci, même partielle, est strictement interdite. Tout contrevenant s’expose à des poursuites.


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Article rédigé par

Charles d’Almeida

Journaliste Reporter

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