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Taï (Région du Cavally): Un projet forestier met les populations sur le pied de guerre, le maire les calme
Publié le : 16 juillet 2019 par Hamadou Ziao
Les promesses de dédommagement qui ont été faites à l’époque aux villageois, n’ont jamais été tenues.
Le parc national de Taï (5.400 km2) est aujourd’hui l’une des rares forêts primaires de l’Afrique de l’Ouest. Pour le sauvegarder, l’Unesco l’a classé en 1981 ‘’patrimoine mondial de l’humanité ''. C’est dans cette même optique, que la Coopération allemande vient d’initier un projet de conservation de la biodiversité de ce complexe forestier appelé ‘’corridor écologique’’.
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D’un coût de 3,5 milliards de fcfa, ce projet va délimiter et sécuriser une zone qui s’étendra sur la bande Taï-Grébo-Sapo. Le but est de créer un passage sécurisé pour l’importante faune qu’abrite cette forêt. Ainsi, les bêtes pourraient migrer du parc national de Taï en Côte d’Ivoire vers celui de Grebo Krahn au Liberia.
La création de ce corridor de plusieurs kilomètres ne se fera pas sans priver les populations de la zone de leur patrimoine foncier. C’est là justement que le bât blesse. En effet, en 1983, dans le même souci de préserver cet important patrimoine forestier, les mêmes populations ont été repoussées manu militari avec plusieurs blessés dans leurs rangs, sur une distance de 4 kilomètres des limites du parc. Les promesses de dédommagement qui ont été faites à l’époque aux villageois, n’ont jamais été tenues. La commune de Taï non plus n’a en rien bénéficié des retombées du parc, si ce n’est la construction du mur de clôture de l’hôpital de la ville. Ce fâcheux précédent a évidemment braqué les populations de Taï contre ce nouveau projet. Ce sont des populations furieuses et prêtes à tout, qui avaient dit non à ce projet le 4 juillet 2018, en séquestrant l’un des adjoints au maire et en vandalisant des locaux de la mairie. Le 3 juillet 2019, le préfet de département, président du comité de pilotage, représentant le ministre de l’Environnement et du Développement durable, convoque une réunion dans ses locaux pour calmer la tension qui ne s’est toujours pas estompée, un an après, presque jour pour jour. Y étaient présents, selon nos sources, le maire de Taï, Hippolyte Bayalla, des responsables du projet, les chefs des différentes localités impactées, onze villages et un campement, pour une population de plus de 4000 habitants.
Dans son intervention, le préfet a tenté d’expliquer le bienfondé de ce projet dans une région où la forte densité de la population due aux migrations croissantes, met en danger l’existence de la flore et de la faune. Après la séance d’explication de l’autorité préfectorale, les réactions ne se sont pas fait attendre. Le chef du village de Gouléako1, Paho Tchéré Jocelin a demandé la suspension du projet, le temps que les exigences des populations soient satisfaites. Même réserve émise par le président des jeunes de ladite localité, Gérard Habib qui a exhorté les responsables du projet à penser d’abord à la jeunesse qui est laissée pour compte. Plutôt sceptique, Mama Ouattara, le responsable des jeunes sénoufo de la région ne voit pas du tout d’un bon œil ce ‘’couloir animalier’’, qui n’apportera rien selon lui, aux populations de Taï, à l’instar du parc national. Un autre leader de jeunesse ironise lui, en parlant de ce projet visant à protéger des animaux : «A Taï, on transporte des chimpanzés blessés en hélicoptère pour aller les soigner, pendant ce temps, à cause de l’état désastreux de la route et par manque d’ambulance pour acheminer nos mamans et nos sœurs à la maternité, ces dernières meurent en route pendant leur évacuation».
Le premier magistrat de la ville de Taï, Hyppolite Bayalla émet lui aussi beaucoup de réserve sur l’opportunité de ce projet : «A priori, nous ne sommes pas d’accord avec ce projet. Mais étant donné que l’Etat accompagne l’initiatrice qui est la République fédérale d’Allemagne, nous souhaiterions engager des discussions franches pour définir clairement les retombées de ce projet en faveur des populations et de la municipalité de Taï. Il faut absolument que toutes les conditions soient réunies pour le succès de ce projet avec un engagement fort de l’État vis-à-vis des populations qui ont trop souffert», a déclaré le maire qui dit compter sur la ministre Anne Ouloto, présidente du conseil régional du Cavally pour porter au gouvernement les attentes des populations. Il a souhaité que les populations expropriées soient financièrement dédommagées et qu'elles bénéficient de soutien pour poursuivre leurs principales activités que sont la cacaoculture et l'hévéaculture.
H.Z. (Infos C.A.)
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Hamadou Ziao
Journaliste Reporter
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