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Enquête/ Ramasseurs de balle: Passionnant, mais ingrat !

Publié le : 17 aout 2015 par Guillaume Ahoutou

(Photo d'archives pour illustrer l'article)

(Photo d'archives pour illustrer l'article)

Que ce soit lors d'un match de football, de rugby, de tennis, de volley-ball,... les petits ramasseurs de balle font partie du décor, ou du moins, sont des acteurs incontournables. Souvent même, ils prennent une part tellement importante au déroulement de la rencontre qu'ils peuvent influencer les résultats de match. Comment les recrute-t-on? Quelles doivent être les qualités d'un ramasseur de balle? Nous avons fait une incursion dans leur univers...en Côte d'Ivoire.

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Quand le hasard donne vie au rêve

Ils ont entre 8 et 17 ans. Et ils sont, pour la plupart déscolarisés. Ou du moins, pour mieux vivre leur passion de footballeur, ils ont décidé de mettre délibérément fin à leur scolarité. Et pour cause, être ramasseur de balles sur un stade de football est un privilège que tous les gosses du même âge n'ont pas. Ils sont environ une trentaine de jeunes à officier toute la saison. Tous ou presque aspirent un jour à jouer au football...au haut niveau. Tous les week-ends et même en milieu de semaine, selon les exigences du calendrier, ils investissent donc les pistes d’athlétisme des stades Robert Champroux, Félix Houphouët-Boigny et Parc des Sports, pour prendre leur part dans les rencontres des différentes compétitions nationales et internationales. S'ils forment un groupe de 17 à 20 gamins placés sous la responsabilité de Sanou Abatti, pour les rencontres qui se déroulent au stade Houphouët-Boigny et au Parc des Sports de Treichville et de Akpa Pascal, chacun a son histoire. Tapé Ibo Richmond a 15 ans et il est petit ramasseur depuis deux saisons. ''Un jour, je rodais autour du stade Champroux, et un tonton m'a appelé et m'a demandé si ça m’intéressait de devenir petit ramasseur. J'ai dit oui. C'est comme cela que c'est parti '', explique celui qui fait partie désormais des anciens. Alors qu'il était inscrit en classe de 3e au Lycée Moderne Autoroute de Treichville, désormais, il passe presque tous ses jours au stade Robert Champroux de Marcory. Tchéré Sika Paul, lui, est arrivé là ''par hasard''. Il n'y avait jamais pensé, jusqu'au jour où son chemin croise celui de ''Souley'', un employé de l'Office national des Sports, au stade Champroux. ''C'est lui qui m'a proposé de devenir ramasseur'', dit-il avant de poursuivre : ''A cause du football, j'ai arrêté d'aller à l'école''. Abatti Sanou qui les encadre dit avoir été lui même ramasseur de balle à une certaine époque. Et ce sont les yeux pétillant de souvenirs, qu'il évoque cette époque : ''J'ai été ramasseur de balle à l'époque des Gbizié Léon''. S'il évoque ce nom, c'est parce qu'il dit avoir été marqué par l'ancien bombardier du Sporting Club de Gagnoa. Et cela a duré entre 3 et 4 ans. C'était une façon pour lui de rester très proche du stade, vu que malgré quelques petites touches dans les catégories de jeunes au Stella et à l'Usc Bassam minimes, il n'a pu aller au-delà de son rêve. Mais c'est à l'orée de l'année 2000 (plus exactement en 1999), alors dans le staff de Walter Amann, le responsable technique des centres de formation (Afaf), que Abatti commence à s'occuper des ramasseurs de balle.'' J'ai appris aux côtés de Kéïta Amadou (ndlr: actuel Manager général des sélections nationales à la Fif) ». Et depuis 15 ans, Abatti Sanou est, chaque week-end, sur les stades sous sa responsabilité avec ses ''gosses'' pour réguler le jeu en le rendant fluide.

Maigre rémunération, folle passion

Comme on peut le deviner aisément, il n'y a vraiment pas de critères établis pour le recrutement des petits ramasseurs de balle. Par contre, leur passion peut-être leur passeport. ''Ce sont des gosses qui sont souvent issus des centres de formation'', explique Abatti. Mais pas eux tous. ''On les prend aussi dans les quartiers. Et ce sont ceux qui, généralement, aspirent à jouer un jour au football'', précise-t-il. Le nombre des ramasseurs cooptés pour les rencontres de football, varie selon les compétitions. Ainsi pour les matches du championnat, ils sont généralement au nombre de 10, alors que pour les matches internationaux, ce sont 12 à 14 ramasseurs qui sont sollicités. Si tout le monde peut ''officier'' les rencontres locales, ce sont par contre les anciens qui sont utilisés pour les grands rendez-vous internationaux. Tapé Ibo Richmond, avec un peu de ''zèle'', parle fièrement des matches des Éléphants de Côte d'Ivoire, lors des éliminatoires de la Coupe du Monde 2014 et de la Can 2015 où il a été ramasseur de balle de toutes les rencontres qui se sont disputées à Abidjan. Sans oublier les matches du Séwé Sport de San Pedro en Coupe d'Afrique (saison 2013-2014). ''Je suis content de vivre ces grands matches. Je suis un privilégié parce que j'ai la possibilité de toucher ces grands joueurs qu'on voit à la télévision tous les joueurs. Ce qui n'est pas le cas de mes amis au quartier'', lâche-t-il. Quelles sont les qualités pour être un bon petit ramasseur ? ''Ils doivent suivre attentivement le match. Le ballon qui sort n'est plus important. Celui qui est proche du lieu où le ballon est sorti, va le chercher, pendant que l'autre qui a le ballon de secours, le remet au joueur le plus proche, pour la remise en jeu'', explique Abatti. Entre cette passion et la rémunération, même si le football draine désormais des ressources colossales, il y a bien un fossé. Les petits ramasseurs, qui sont pourtant des acteurs incontournables, doivent se contenter de la portion congrue. Pour les matches du championnat national, ils touchent 500 FCfa par match et par individu. Alors que les sorties internationales leur rapportent 1000 FCfa. Mais les petits ramasseurs ont trouvé la parade pour se faire plus de sous. Surtout lorsque tous les championnats (Ligue 1, Ligue 2, D3, District, U20, Élite, Féminin,...) sont lancés comme c'est le cas actuellement. Ils multiplient les sorties. ''Je peux, par semaine, m'en sortir avec 7 mille FCfa'', lâche Tapé. Ils viennent même jouer souvent les petits ramasseurs lors des stages de préparation des sélections nationales (A', U17, U20, U23, Dames...). La discipline est aussi une des vertus partagées par les petits ramasseurs. Et le responsable du stade Robert Champroux, Akpa Pascal, ne badine pas avec la discipline. ''Ici, il faut être concentré 100 % sur le match. Parce que si le petit ramasseur ne l'est pas, cela peut aussi jouer sur les joueurs'', avance-t-il. Celui qui est pris en flagrant délit de déconcentration, ''est mis à l'écart lors des matches de championnat de Ligue 1 pendant une saison. Il ne jouera que les matches du championnat élite jeune''. Les petits ramasseurs étant des acteurs clés d'un match de football, on leur demande d'être impeccablement mis ''parce que lorsque les matches sont télévisés, ils apparaissent à l'écran. Donc, s'ils sont mal habillés, cela ne présente pas bien'', avance Akpa. Pour cela, ils sont habillés par la Fédération ivoirienne de football (Fif).

Petit ramasseur et après ?

Que deviennent-ils lorsqu'ils sortent du circuit ? C'est la question qui se pose. Mais si on en sait très peu sur tous ceux qui ont pratiqué cette activité, il faut reconnaître qu'il n'y a pas de reconversion à proprement parlé. Ceux qui poursuivent leurs études normalement deviennent comme tous les gosses de leur âge lorsqu'ils sortent du circuit. Certains par contre, restent au contact du ballon rond. C'est le cas de Kéïta Mamadou, l'actuel Manager général des sélections nationales de la Côte d'Ivoire. Après avoir été ramasseur de balle lors de la seule et unique Can de football organisée par la Côte d'Ivoire en 1984, il a intégré la Fif où il a gravi les échelons pour être là où il est aujourd'hui. C'est également le cas de K. B. qui, tout en exerçant dans la vie civile, est commissaire au match à la Fif. D'autres comme Cissé Sékou ou Aruna Dindane ont embrassé une carrière de footballeur professionnel. Le premier est encore en activité et joue au KRC Genk en Belgique, alors que le second a mis fin à sa carrière. Lorsqu'on est petit ramasseur en activité, on peut avoir le privilège de suivre les rencontres. Mais pas toutes les rencontres comme lorsque l'Asec joue en Coupe d'Afrique, puisque cette tâche est dévolue aux jeunes pousses du club Jaune et Noir. Et lorsqu'on sort du circuit, le petit ramasseur n'a plus accès gratuitement au stade lors des matches. L'ex-petit ramasseur devient persona non gratta et peut se retruver ''djosseur de namas'' (surveillant de véhicules des supporteurs).

Guillaume AHOUTOU

Sauf autorisation de la rédaction ou partenariat pré-établi, la reprise des articles de linfodrome.com, même partielle, est strictement interdite. Tout contrevenant s’expose à des poursuites


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Article rédigé par

Guillaume Ahoutou

Journaliste Reporter

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