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Burkina : Les leçons à tirer des dernières attaques
Publié le : 25 janvier 2016 par Charles d’Almeida

Les 15 et 16 janvier derniers, des attaques terroristes ont visé deux lieux très fréquentés par les expatriés à Ouagadougou. Il s'agit du Splendid Hôtel et du Cappuccino, un café-restaurant situé non loin de ce quatre étoiles.
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Cet acte d'une inqualifiable cruauté, a coûté la vie à 30 personnes de plusieurs nationalités. C'est la première fois dans l'histoire de cette paisible capitale du Faso, que des individus se livrent à une telle barbarie contre des personnes, dont le seul tort est d'avoir choisi, ce début de week-end, ces endroits chics pour passer du bon temps. Parmi ces innocentes victimes, il y a des humanitaires, des missionnaires, des sportifs, des hommes d'affaires et… un enfant de 9 ans, le fils de la patronne du Cappuccino. Les rafales des terroristes l'ont fauché avec sa mère et sa tante. Une famille québecoise de quatre personnes a connu le même sort cruel. Après l'émotion, après le dégoût provoqué par l'acte de ces jeunes radicalisés, devrait-on encore chercher pourquoi cela est arrivé? A quelles fins, demanderont certains, puisque le mal est déjà fait. Certes, l’irréparable est déjà commis, mais de chaque situation, il faut nécessairement tirer des leçons pour l'avenir. Pourquoi ce pays réputé être une ''maison verrouillée'' a- t-il pu être subitement dépouillé de ses remparts de protection ? On pourrait lier cette situation au passage d'un pouvoir à un autre. Le nouveau régime, qui venait d'être installé deux semaines seulement avant ces attaques, ne maîtrisait sûrement pas, ou n'avait même pas encore entre ses mains, les commandes de l'appareil sécuritaire du pays. Les terroristes ont sans doute profité de cette faille, pour opérer. Mais, ce problème ne devrait normalement pas se poser, dans un Etat moderne, où l'administration est une continuité ! En effet, ce sont juste les hommes qui changent, mais les différentes structures et institutions de l’État comme l'appareil sécuritaire, devraient rester en place. Pendant les 27 années passées à la tête du Burkina Faso, l'ex-président Blaise Compaoré avait mis en place un maillage sécuritaire qui protégeait évidemment son régime, mais au-delà, le pays tout entier. Lorsqu'ils ont accédé au pouvoir, les responsables de la transition se sont appliqués à démanteler systématiquement ce système sécuritaire. On pouvait encore comprendre la dissolution du Régiment de sécurité présidentiel, (Rsp), la garde présidentielle de Compaoré, pour la simple et bonne raison que le nouveau locataire d'une maison serait davantage en sécurité avec son propre chien de garde qu'avec celui de son prédécesseur. Mais la transition conduite par le duo Kafando-Zida ne s'était pas contentée de congédier le chien du précédant locataire, mais elle est allée jusqu'à démolir le mur d'enceinte qui protégeait la maison, dans l'espoir peut-être d'en construire un nouveau, plus solide. C'était l'erreur à éviter, car les malfaiteurs n'ont pas attendu la mise en place de ce nouveau dispositif sécuritaire pour attaquer . C'est ce qui vient de se passer au Burkina, où les actes terroristes se sont multipliés, dont les plus graves, sont les attentats des 15 et 16 janvier 2016. La deuxième erreur de la transition burkinabé réside dans ses relations avec ses voisins. En 12 mois de gouvernance, le pouvoir transitoire a entretenu les relations les moins cordiales avec les pays voisins, notamment la Côte d'Ivoire et le Togo, dans l'affaire de la tentative de putsch de Diendéré. Avec le Sénégal également, il y a eu un couac. Le président Macky Sall qui assurait une mission de bons offices dans cette même crise, pour le compte de la Cedeao, s'est vu infliger un véritable camouflet par son homologue Michel Kafando, qui avait publiquement désavoué le plan de sortie de crise qu'il était venu proposer. Le Burkina vivait, depuis lors, un isolement diplomatique qui ne dit pas son nom, vis-à-vis de ses voisins. De nos jours où la grande criminalité est un phénomène transfrontalier, un pays peut-il assurer efficacement sa sécurité, s'il ne coopère pas étroitement avec ses voisins, s'il n'échange pas avec eux des informations en matière de police? Blaise Compaoré avait réussi à tisser et entretenir un impressionnant réseau relationnel avec des hommes et des pays, qui faisait de lui un incontournable négociateur dans la sous-région. Les attentats de ce début d'année vont porter un coup dur à l'économie déjà éprouvée par une année de transition tumultueuse. Le nouveau pouvoir doit vite rétablir la confiance avec les pays voisins afin d'éviter au Burkina Faso une situation économique difficile qui pourrait être une autre source d'instabilité. La politique, comme le disait le premier président ivoirien, Félix Houphouët-Boigny, est la saine appréciation des réalités du moment. Le nouveau pouvoir burkinabé, qui cherche encore ses marques, doit se consacrer aux tâches prioritaires. Quelles sont aujourd'hui les priorités pour ce pays? Ressortir les cadavres des placards, lancer des mandats d'arrêt à l'emporte-pièce ? Le plus urgent n'est-il pas plutôt de sécuriser d'abord le pays, de le remettre économiquement sur pied, avant de se tourner plus tard vers les éventuels ennemis ? Le nouveau président a un double héritage à gérer. D'abord, les 27 années de règne de Compaoré, un legs déjà bien encombrant, ensuite, les 12 mois d'une transition, qui à force de vouloir poursuivre plusieurs lièvres à la fois, a mis le Burkina dans une situation bien plus compliquée qu'avant.
Charles D'ALMEIDA
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Charles d’Almeida
Journaliste Reporter
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