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Enquête express : Dans l’univers des ‘’Fanicos’’ du Banco

Publié le : 11 septembre 2017 par Linfodrome

Depuis la nuit des temps, certaines tâches domestiques sont dévolues aux femmes, qui les assument quotidiennement. Il s’agit de la vaisselle, de la cuisine, de l’entretien de la maison et de la lessive. Cette dernière tâche qu’est la lessive, n’est plus, aujourd’hui, l’affaire des seules femmes. Des hommes s’y adonnent à plein temps et en ont même fait leur métier : ce sont les ‘’Fanico’’. Qui sont ces hommes ? D’où viennent-ils, combien gagnent-ils ? Nous avons cherché à savoir.

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‘’Fanico’’ signifie ‘’laveur de vêtements’’, en langue malinké. Ces laveurs sont bien connus des Abidjanais, mais surtout des habitants des communes d’Adjamé, Attécoubé et Yopougon. La raison est toute simple : c’est dans ces communes qu’ils partent chaque jour recueillir le linge à laver. Leur lieu de travail est une sorte de lac peu profond, dans le bas-fond situé à la lisière de la forêt du Banco, sur la voie express Adjamé-Yopougon. Samedi 26 août 2017, notre équipe de reportage, qui s’est rendue sur les lieux, les a trouvés en plein boulot. Leur travail consiste à laver, dans les eaux de ce lac, le linge collecté auprès de populations, mais aussi de blanchisseurs des quartiers des communes citées plus haut. Leur lessive est toute particulière.

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Ils battent les vêtements sur d’énormes pneus ou sur des rochers plantés dans l’eau du lac dont la couleur laisse à désirer. Les vêtements sont moussés avec du savon spécial, un savon traditionnel de couleur noire, fabriqué à base de potasse, d’acide, de résidus d’huile de palme et de restes de savons de toilette. Ce savon, ils l’acquièrent auprès de fabricantes basées au quartier Agban, à Adjamé. Un savon acheté à 100 fcfa permet de laver ‘’une tonne’’ de vêtements. « Ce savon spécial donne non seulement de l'éclat aux vêtements, mais il nous permet de gagner en temps et de réaliser des économies, contrairement aux savons industriels vendus dans les boutiques ou les grandes surfaces. Avec ce savon, on réussit à débarrasser les vêtements des mécaniciens des tâches d’huile de moteur qui sont difficiles à laver avec le savon ordinaire », soutient Issa Baldé, notre premier interlocuteur, qui sortait de l’eau avec des vêtements.


Les ‘’Fanico’’ sont des bras valides qui dépensent beaucoup d’énergie dans le cadre de leur travail. C’est un métier qui nécessite beaucoup d’effort physique. Pourtant la plupart des ‘’Fanicos’’ avoisinent la quarantaine. Il y en a aussi de plus âgés. Ils proviennent presque tous des pays frontaliers de la Côte d’Ivoire (Mali, Guinée, Burkina Faso, mais aussi du Niger. Chaque jour, ce sont des centaines de vêtements qu’ils collectent auprès de leurs clients. Pour ne pas confondre, se tromper ou même perdre les vêtements, ils leur affectent des signes différents. Après la lessive, ils sèchent le linge à même le sol, sur des herbes, et les surveillent comme de l’huile sur le feu, pour ne pas qu’ils soient volés. C’est que de petits malins profitent souvent de l’inattention des uns et de l’état de somnolence des autres pour voler les vêtements humides.


Un métier lucratif

 Le métier de ‘’Fanico’’ est celui que ces dynamiques hommes ont choisi pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles, bravant ainsi les railleries et autres moqueries dont ils sont souvent l’objet. L’essentiel, pour eux, c’est de gagner honnêtement leur vie. Ils le réussissent plutôt bien. De fait, le prix du vêtement à laver est fixé selon la nature du vêtement mais aussi en fonction des moyens financiers du client. Un pantalon et une chemise coûtent, chacun, 50 Fcfa. Les draps de lits sont taxés à 200 F, voire 300 Fl’unité. Au terme d’une journée, un ‘’Fanico’’ peut s’en sortir avec 5000 Fcfa, parfois plus. Le revenu moyen mensuel tourne autour de 45.000 Fcfa. Ce gain permet à plusieurs parmi eux d'épargner et même de réaliser des projets. Certains augmentent souvent les prix des vêtements à laver. Le surplus leur permet de faire des économies.

C’est le cas de Diallo Moussa, de nationalité guinéenne, qui malgré les difficultés du milieu, réussit à épargner et à réaliser certains de ses rêves. « J’arrive à économiser. J'ai pu construire une belle maison dans mon pays où logent ma femme et mes 3 enfants. J'ai acheté 2 motos qui assurent le déplacement en ville des habitants. Je me plais bien dans ce travail même si j'avoue que cela m’épuise. Mais, je ne dois pas baisser les bras », a-t-il confié. Il a expliqué que ce métier de laveur, il le fait depuis plus de 15 ans.

Toutefois, il reconnaît que ce n’est pas un métier facile. « C'est vraiment dur mais je me bats pour ne pas être une honte pour ma famille au pays. Je commence à travailler très tôt pour finir tard », avoue-t-il. Son collègue à côté de lui, Bessé Tamboura, Malien, dit également s’en sortir avec ce métier. « J'ai laissé toute ma famille au pays (Mali) pour venir à l’aventure ici en Côte d’Ivoire, pour gagner de l'argent. Je n'ai pas un bon niveau intellectuel, je n'ai aucun diplôme pour chercher du travail. Donc, quand l'occasion s'est présentée à moi, je n'ai pas hésité un instant. J'arrive à scolariser mes 2 enfants et ma femme qui sont restés là-bas », a déclaré cet homme de 42 ans.

Si certains laveurs prennent plaisir à exercer cette activité, d'autres l’exercent quelque peu par contrainte. C'est le cas de Samba Diallo, un Guinéen de 45 ans, qui se dit fatigué d’être ‘’Fanico’’. Il souhaite trouver une autre activité, moins épuisante. Contrairement à certains de ses collègues, il tire le diable par la queue et éprouve toutes les peines du monde pour arrondir ses fins de mois. « Je n’en peux plus, je veux quitter ce métier », lâche-t-il. Plusieurs parmi les ‘’Fanico’’ totalisent entre 25 et 30 ans de métier, dont Samba Diallo. L'un des plus anciens, Ousmane Cissé, originaire du Mali, fait savoir que les ‘’Fanico’’ bénéficient de la grâce de Dieu. Malgré les heures passées dans l’eau au quotidien, l’usage du savon fait à base d’acide, et le lavage des vêtements de personnes diverses dont ils ignorent l’état de santé, ils tombent rarement malades.

« Nous n'avons jamais été exposés à de graves maladies à part le paludisme ou des panaris aux doigts, à cause de nos mains qui sont en permanence dans l’eau », se réjouit-il.

 

Vanessa DJOSSA (Stg)

 Sauf autorisation de la rédaction ou partenariat pré-établi, la reprise des articles de linfodrome.ci, même partielle, est strictement interdite. Tout contrevenant s’expose à des poursuites.


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