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Boualem Sansal, la plume sous surveillance : un écrivain face à dix ans de prison

Publié le : 24 juin 2025 par Lexli MILOKO

Le 24 juin 2025, le tribunal d’Alger a requis dix ans de réclusion contre Boualem Sansal, figure majeure de la littérature francophone algérienne.

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Accusé d’atteinte à l’unité nationale, l’auteur âgé de 80 ans comparaissait en appel après une première condamnation en mars à cinq ans de prison et une amende de 500 000 dinars (environ 3 500 euros). Le verdict de ce second jugement est attendu pour le 1er juillet. En Algérie comme à l’étranger, l’affaire suscite une onde d’émotion, tant pour les lourdes charges qui pèsent sur l’écrivain que pour son état de santé jugé fragile.

Une prise de parole qui dérange

Ce qui lui est reproché ? Des propos tenus dans le média français Frontières, identifié comme proche de l’extrême droite, dans lesquels Sansal affirme que l’Algérie aurait reçu de la France coloniale des territoires historiquement marocains.

Son avocat, François Zimeray, plaide de son côté pour une approche humaine. Il évoque les problèmes de santé de son client, contraint à des allers-retours fréquents entre l’hôpital d’Alger et la prison de Koléa. Gallimard, son éditeur historique, alerte également sur l’état physique et moral de l’écrivain.

Une déclaration hautement inflammable dans un contexte régional marqué par des tensions persistantes entre Alger et Rabat.

Mais ce n’est pas tout. À ces propos s’ajoutent plusieurs chefs d’accusation :

  • outrage à corps constitué
  • pratiques nuisibles à l’économie nationale
  • détention de contenus portant atteinte à la sécurité de l’État

Autant de charges qui traduisent une volonté manifeste de museler une voix critique du régime algérien, selon ses soutiens.

Un écrivain contre l’oubli

Boualem Sansal n’est pas un inconnu. Né le 15 octobre 1949 à Theniet el Had, il grandit dans le quartier populaire de Belcourt à Alger, un lieu chargé de mémoire, aussi lié à Albert Camus. Ingénieur et économiste de formation, il n’entame sa carrière littéraire qu’à la fin des années 1990, poussé par la violence islamiste qui ensanglante alors l’Algérie.

Son premier roman, Le Serment des Barbares (1999), remporte le prix du premier roman. Il enchaîne avec L’Enfant fou de l’arbre creux (2000), puis des titres majeurs comme Rue Darwin (2011), où il évoque pour la première fois ses racines et la complexité de l’identité algérienne. À travers ses romans, essais et prises de parole publiques, Sansal construit une œuvre libre, critique, profondément humaniste, souvent en rupture avec les récits officiels de l’histoire algérienne.

Soutiens politiques et appels à la clémence

Depuis son arrestation en novembre 2024, l’écrivain suscite un élan de solidarité transnational. En France, plusieurs personnalités politiques, dont le Premier ministre Gabriel Attal, ont exprimé leur soutien. Le président Emmanuel Macron a lui-même demandé sa libération dès janvier 2025, dans un contexte déjà tendu entre Paris et Alger. 


En Algérie, la mobilisation est plus discrète mais bien réelle. L’auteur Yasmina Khadra, voix littéraire également respectée, a plaidé pour sa libération auprès du président Abdelmadjid Tebboune. Quant à Arnaud Benedetti, politologue et président du comité de soutien à Sansal, il espère toujours une grâce présidentielle.

Son avocat, François Zimeray, plaide de son côté pour une approche humaine. Il évoque les problèmes de santé de son client, contraint à des allers-retours fréquents entre l’hôpital d’Alger et la prison de Koléa. Gallimard, son éditeur historique, alerte également sur l’état physique et moral de l’écrivain.

Une affaire politique autant que judiciaire

Ce procès dépasse largement le cas personnel de Boualem Sansal. Il cristallise les limites de la liberté d’expression en Algérie et interroge la place que le régime accorde aux intellectuels dissidents. Écrire, dans ce contexte, devient un acte à la fois littéraire et politique.

L’affaire Sansal s’inscrit aussi dans une relation diplomatique houleuse entre la France et l’Algérie. Chaque mot, chaque geste prend une portée symbolique. Et dans cette bataille de récits, la figure de Sansal, à la fois citoyen algérien, écrivain francophone, ancien haut fonctionnaire et voix critique du pouvoir, incarne une complexité que ni la justice ni la politique ne semblent vouloir pleinement entendre.


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Article rédigé par

Lexli MILOKO

Journaliste Reporter

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