Cet appel d'offre remporté(?), selon Anne Oulotto par la Satarem Greensol, vient d'être suspendu. Et c'est l’Autorité nationale de régulation des marchés publics (ANRMP) qui a pris cette mesure, à la surprise générale.
Si pour l'heure, aucune motivation n'a été avancée, l'on s'interroge toutefois sur la suite à réserver à ce dossier qui s'apparente à un feuilleton Western où le « Django » n'a pas encore dit son dernier mot. Car, faut-il le rappeler, en août 2011, le président Alassane Ouattara rentré seulement mardi dernier de Paris, avait fait signer une charte d'éthique aux membres du gouvernement, une première dans l'histoire de la Côte d'Ivoire.
Ce document en 10 points se présente comme «un bréviaire intégrant et symbolisant les valeurs cardinales de probité morale, d’équité et de bonne gouvernance». L'ambition du chef de l'Etat ivoirien était de repositionner la Côte d’Ivoire sur l’échiquier mondial, par l’application stricte et rigoureuse de cette charte, d’autant plus que la Côte d’Ivoire selon le dernier classement de Doing Business en matière d’obstacle aux affaires, positionne le pays à la 168è place sur 188.
Certes l'initiative de la ministre de lancer un appel d'offre pour l'attribution d'un marché public relève d'une pratique de bonne gouvernance, dans un pays habitué aux marchés de gré à gré. «Pourquoi chaque fois qu’il y a eu des attributions de marché dans le district d’Abidjan, il y a eu beaucoup de spéculations autour ? Il faut que les gens sachent que nous avons voulu rompre avec le passé. Beaucoup de plans ont été déjoués…», avait expliqué la ministre, lors d’une réunion avec les gouverneurs de districts et les maires des dix communes d’Abidjan.
Mais les récentes déclarations de Mme Anne Oulotto au sujet du choix de Satarem Greensol laissent libre cours à des suspicions légitimes. «Dans le choix de cet opérateur, il a été privilégié un élément fondamental : la compétence», avait expliqué Mme Anne Oulotto. Et pourtant, la procédure suit toujours son cours car il revient à la Direction des Marchés Publiques(DMP) de publier les résultats définitifs de cet appel d'offre dans lequel trois entreprises soumissionnaires étaient en compétition. Le chapitre 8 de la charte dit ceci : «Dans le respect des différences et des particularismes, les membres du Gouvernement travaillent dans un esprit de justice, d’équité et d’équilibre en leur sein, dans leurs départements respectifs et dans leurs rapports avec les usagers. L’équité doit être promue dans les pratiques publiques». Cette très forte implication de Mme Anne Oulotto pourrait être interprétée comme une violation de cette disposition de la charte qui invite les membres du gouvernement à observer une stricte neutralité dans tout dossier. Mais le point 7 de la Charte constitue un autre élément d'analyse. «En tant que modèle pour ses concitoyens, chaque membre du Gouvernement s’engage à cultiver, en tout temps et en tous lieux, les valeurs morales et éthiques devant induire une moralisation de la société ivoirienne : Droiture, Intégrité, Probité et Incorruptibilité», tel est le contenu de ce chapitre.
Aujourd'hui, l'opinion attend le verdict définitif de la DMP. Et les choses iraient de mal en pis au cas où la DMP avançait un avis contraire au choix porté par la ministre en charge de la Salubrité Urbaine. Si un tel scénario se produisait, cela pourrait être une porte ouverte à tous les commentaires, qui risqueraient alors d'entacher la régularité de cet appel d'offres censé sélectionner, sur des règles précises, l'entreprise la mieux outillée pour l'exécution d'un marché public.
Bertrand GUEU