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Marie-Faustin Niava, le prêtre qui traque les mauvais esprits/ Comment se prémunir contre les esprits du mal

Publié le : 02 février 2016 par Charles d’Almeida

C'est une jeune dame jadis troublée par les mauvais esprits, et aujourd'hui rayonnante de vie et de bonheur, qui nous a mis sur la piste de ce prêtre retranché au presbytère de Sainte Elisabeth de Yopougon Ananeraie.

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C'est dans cette paroisse qu'il est affecté depuis quatre mois, après avoir passé 6 ans à Béago, un petit village de la commune. Faire connaître ce serviteur de Dieu, pour qu'il délivre d'autres âmes en souffrance, était pour elle une manière d'exprimer sa gratitude à l'abbé Marie-Faustin Niava.

Pendant longtemps, le prêtre exorciste a décliné la proposition de témoigner dans un journal de la mission que l'évêque co-adjuteur du diocèse de Yopougon, Monseigneur Jean Salomon Lézoutié, lui a confiée, il y a juste quelques mois. Il a fallu que cette fidèle qu'il a sauvée lui force pratiquement la main pour qu'il cède, après avoir, bien entendu, obtenu le feu vert de son évêque. Rendez- vous était donc pris le samedi 23 janvier dernier, à 10 heures, à la résidence des prêtres, une grande bâtisse dont le toit rouge est visible de loin. Il était l'heure passée d'une dizaine de minutes, lorsque le lourd portail de la maison s'ouvre et laisse entrevoir un homme frêle en soutane noire. A grandes enjambées, il parcourt les quelques mètres qui séparent l'entrée,de la terrasse qui sert de salle d'attente aux visiteurs : « Je m'attendais à un homme corpulent, bien bâti...», susurre ma collègue, surprise de voir plutôt planté devant elle, un homme au physique d'ascète : « je suis le père Marie-Faustin Niava», se présente-t-il, tout en s'excusant courtoisement pour ce petit retard. « En fait, je viens de bénir deux maisons, la seconde m'a pris un peu de temps». Les présentations faites, il nous conduit dans une pièce spacieuse dont les volets grands ouverts laissent circuler parfaitement l'air, en ces temps de chaleur. C'est dans ce bureau aussi austère que son occupant que l'entretien s'est déroulé. Pendant 90 minutes, ce prêtre exorciste, d'une grande humilité, a parlé de son combat contre Satan et ses suppôts. Mais avant, il donne plus de détails sur sa personne: « Je suis le premier exorciste du diocèse de Yopougon depuis six ans. Cette année, je me retrouve ici à Sainte Elisabeth de Yopougon-Ananeraie comme exorciste détaché. Auparavant, j'étais curé de la paroisse Sainte Trinité de Béago. Cela fait quatre mois que je suis ici, j'ai commencé mes activités à proprement parler pour aider mes frères et mes sœurs qui ont besoin de mon assistance.»

Un chasseur de sorcier ou sorcier lui-même ?

Pendant qu'il parlait, le prêtre à la soutane noire suscite beaucoup de curiosité. Est-ce la couleur de l'habit des prêtres exorcistes pour traquer les sorciers ? Un chasseur de sorciers n'est-il pas lui-même quelqu'un de cette nature? Le père Niava explique pourquoi il a opté pour la soutane noire plutôt que la traditionnelle tenue blanche des prêtres: « Depuis que je suis devenu exorciste, si je dois exorciser quelqu'un, voici l'arme que je dois avoir : (il brandit un bandeau de tissu de couleur violette). C'est l'étole, c'est avec ça que j'exerce en tant que représentant de l’Église catholique. La soutane noire n'est pas propre aux exorcistes, c'est la couleur des prêtres de l’Église catholique romaine». En effet, explique-t-il, à Rome et notamment au Vatican, tous les religieux : cardinaux, évêques, prêtres, sont tous habillés en noir, seul le pape est en blanc. Si en Afrique, les prêtres ont opté pour la soutane blanche, ou grise, c'est tout simplement, dira-t-il, parce qu'il fait chaud, et la couleur noire attire la chaleur. Pourquoi porte-t-il alors une soutane noire ? Le père Niava a une réponse bien singulière. Avec une pointe d'humour, il justifie son choix : « Je me dis que je suis tellement pécheur, que je préfère commencer ici bas mon purgatoire, dans ma soutane noire. C'est donc un choix, et je vous avoue que je ne sens pas la chaleur. »Prenant un air plus sérieux, il définit un prêtre exorciste : « Le prêtre exorciste est un prêtre choisi par ses confrères et qui a pour mission de chasser les démons dans la vie des hommes, dans des lieux et aussi dans des choses. Le prêtre exorciste est un prêtre ordonné comme tous les autres, mais choisi par l'évêque pour assurer la fonction que l'évêque lui-même devait assurer, à savoir gérer les difficultés spirituelles, matérielles, physiques que le diable dépose sur des chrétiens et des non-chrétiens. Il est chargé de mener des actions dans la vie de ses frères et sœurs, mais contre Satan et ses suppôts. Son rôle particulier, c'est de permettre aux enfants de Dieu de ne pas être sous l'emprise de Satan. Quand on parle de Satan et ses suppôts, ça peut être des sorciers, des haïsseurs, des empoisonneurs, ce sont tous ceux et toutes celles qui sont contre le bien spirituel, matériel et physique de leurs frères et de leurs sœurs ». Comment l'évêque choisit-il son prêtre exorciste ? L’Église catholique romaine donne des directives bien précises, explique le père Marie-Faustin Niava. Selon lui, le ministère d’exorciser les possédés est accordé par une permission de l'évêque diocésain lui-même. Il porte généralement son choix sur un prêtre pieux, éclairé, prudent, de vie intègre et spécialement préparé à cette charge. Le bon sens exige que, pour ce ministère, on fasse le choix d'un prêtre pas trop jeune, ayant une forte formation théologique et spirituelle, qui croit que le démon existe, non pour lui vouer une dévotion particulière. Il doit aussi croire aux moyens que le Christ met à sa disposition pour le chasser. En plus de sa formation en théologie, il doit avoir des connaissances en angéologie (étude sur les anges), en anthropologie, en psychologie et quelques notions en psychiatrie. Il doit également avoir une bonne expérience dans le contact avec les personnes et une écoute bienveillante. Le prêtre exorciste n'est pas un sorcier de Jésus-christ, encore moins un sorcier ordinaire, tient à préciser le père Niava, qui explique comment le choix de ses évêques s'est porté sur lui

Un exorciste prédisposé ?

C'est depuis le séminaire que le futur prêtre s’essayait déjà à l'exorcisme. Il faisait partie du Renouveau charismatique. Lors des rencontres de prières qu'organise le groupe, il imposait les mains à ceux qui tombaient en transe. Lorsqu'il est devenu prêtre, il a continué de prier pour les malades, jusqu'au jour où son évêque, monseigneur Laurent Mandjo, l'interpelle et lui recommande un grande prudence dans sa lutte contre Satan, car ne combat pas Lucifer qui veut. Pour le faire, il faut être autorisé, et surtout être préparé à la tâche, lui a fait comprendre gentiment le prélat. Mais, cet avertissement n'aura pas, pour autant, dissuadé le jeune prêtre, qui continuait les séances de délivrances avec ses amis du Renouveau, jusqu'au jour où, Satan décide de lui enlever toute envie de le défier : « Je suis gravement tombé malade, et de l'avis de tous, j'étais l'objet d' une attaque du diable' ». Après sa guérison, le jeune prêtre est interdit de séances de délivrance et affecté dans une paroisse rurale, à Sainte Trinité de Béago, pour six bonnes années. Le prêtre reconnaît le bien-fondé de la décision de ses supérieurs : « La lutte contre les démons présente des risques certains. Des prêtres ont trouvé la mort en le faisant, les plus chanceux s'en sont sorti malades. C'est pour nous mettre à l'abri que nos évêques nous éloignent parfois », affirme-t-il, en évoquant le cas du père Abékan qui a été envoyé à l'extérieur du pays après de nombreux déboires, notamment des accidents de la circulation et même une attaque à main armée. Les voies de Dieu étant insondables, c'est de sa cachette de Béago que le père Niava apprend que ses évêques, Laurent Akran Mandjo et Jean- Salomon Lézoutié, étaient à la recherche d'un prêtre exorciste pour le diocèse de Yopougon. Ayant constaté que le jeune prêtre a déjà acquis une certaine expérience en la matière, ils n'ont pas hésité à lui faire appel. Le père Marie-Faustin Niava fait donc partie, depuis quatre mois, des cinq prêtres exorcistes désignés. Il est le seul à Yopougon, les quatre autres sont les pères Norbert Abékan, Basile Gbangbo du diocèse d'Abidjan, le père Claude d'Abengourou et un cinquième qui est à Daloa. Mais, il précise que « tout prêtre ordonné est exorciste de fait. Dans certaines circonstances, ils peut intervenir pour délivrer des fidèles. Mais, lorsque le cas de possession est sérieux, il fait appel à ses confrères exorcistes.» Si les évêques demandent beaucoup de prudence aux prêtres pour exercer l'exorcisme, ils le déconseillent, à la limite, aux laïcs, notamment aux bergers du Renouveau ou aux responsables des communautés nouvelles. Le père comprend la position des évêques, tout en précisant que les fidèles du Renouveau ne font pas de l'exorcisme, mais plutôt des prières de délivrance. C'est une initiative que l’Église catholique doit plutôt encourager, dit-il, face à la ruée des fidèles catholiques vers certains pasteurs évangélistes, prophètes, qui s'en vont parfois chercher ''des affaires '' (gris-gris, ndlr), pour faire des prétendus ''miracles'' et attirer des foules. « Pour éviter que nos églises se vident au profit de ces vendeurs d'illusions, il serait souhaitable qu'on permette à ces bergers et modérateurs des communautés nouvelles de continuer ces prières de délivrance tout en les encadrant, bien entendu, pour éviter des déviations. Lorsque je vois qu'une communauté nouvelle est bien structurée et crédible, avec un responsable de bonne moralité, je l' encadre », affirme-t-il. Mais, le prêtre exorciste prévient que les cas avérés de possession ne sont pas du ressort de ces groupes de prière, mais plutôt des prêtres exorcistes. Des bergers ont eu d'énormes problèmes de santé, de travail, de couple et, pis, ont perdu la vie dans leur lutte contre Satan et ses suppôts, révèle le prêtre.

« A trois occasions, j'ai risqué ma vie dans ce combat contre les mauvais esprits»

Satan a parfois pris le dessus sur ceux qui ont voulu le combattre, révèle le père Marie-Faustin Niava, avant d'évoquer les trois occasions où le diable a failli le terrasser. « Satan n'est pas plus fort que Jésus-Christ, mais il est plus fort, bien plus fort que l'être humain que je suis », reconnaît l'abbé Marie-Faustin, qui affirme que Dieu n'a jamais retiré à Lucifer, le chef des démons, les pouvoirs qu'il lui avait donnés. Mais le diable est-il plus fort que le prêtre de Jésus-Christ que vous êtes ? A cette question, il lève la tête vers le ciel, et après un long soupir, il répond calmement : « Le prêtre que je suis, a des faiblesses. C'est pourquoi quand je me réveille un matin, que quelqu'un vient me voir pour me dire : ''mon père, prie pour moi'', si je ne suis pas dans les conditions idoines, si au cours de la semaine, j'ai eu de mauvaises pensées par exemple, j'ai critiqué, j'ai été gourmand, j'ai abusé de l'alcool, Satan n'est certes pas omniscient, mais parfois, il est souvent présent à certains endroits, il connaît mes points faibles. Il peut, à certains moments précis où la personne est venue me voir, utiliser cette faiblesse qu'il a découverte en moi pour me faire du mal. Satan est plus fort que le prêtre, mais quand celui-ci est exemplaire, éclairé, prudent, intègre, il ne doit rien craindre.», soutient le père Niava. C'est pourquoi il insiste sur les conditions dans lesquelles le prêtre exorciste doit être avant d'aller mener son combat. «Avant d'aller à une prière d'exorcisme, il doit se confesser. Il doit être sans péché pour être efficace dans ce qu'il va faire, et si, malheureusement, il a été terrassé par Satan, et qu'il meurt, il sera sauvé. J'ai effectivement risqué ma vie, mais je n'étais pas encore exorciste».

Mon bras a été paralysé pendant que je délivrais une jeune fille possédée

Alors qu'il était vicaire à la cathédrale Saint André de Yopougon, il y a de cela 18 ans, le jeune prêtre voulait, au cours d'une célébration, délivrer une jeune fille qui était sous l'emprise des démons. C'était un cas avéré de possession, affirme le père Niava, qui s'est approché de la victime pour toucher sa tête avec la croix qu'il tenait dans sa main. Mais, au moment où il voulait lui imposer le crucifix, la victime a levé brusquement la tête et la a touché ses dents. Le bras du prêtre a perdu aussitôt toute motricité, c'était la paralysie. L'assemblée a constaté que le jeune prêtre ne pouvait plus bouger son bras droit. Mais, dans ce corps à corps, il prendra le dessus sur l'esprit du mal. Après un long soupir, il témoigne : « J'ai demandé au Seigneur de paralyser, à son tour, cet esprit qui s'est rendu maître de cette jeune fille. Ce fut instantané», dira le prêtre. Mais, bien qu’immobilisée, la jeune fille possédée lance un défi au prêtre: « libère moi, et tu vas voir, tu n'as rien vu encore ». Le jeune prêtre suspend la séance de délivrance et continue la messe. « Au cours de la célébration, je ne pouvais pas lever le bras droit. Pour lever la patène (petite assiette ronde où le prêtre met la communion), je me suis servi de ma main gauche pour soutenir le bras droit. Pour porter également la coupe, je me suis servi de ma main gauche. Monseigneur Lézoutier, qui était encore prêtre, était à cette messe, tout comme d'autres jeunes prêtres comme moi. ». Aussitôt la messe finie, la jeune fille est amenée dans la cour du presbytère et le père Niava, aidé d'autres prêtres, reprend de plus belle la séance de délivrance : « Je me suis mis à briser la puissance du démon qui possédait la jeune fille. Une fois encore, il me dit : ''tu m'as lié, tu m'as paralysé, libère-moi, et tu vas voir ce que je vais te montrer.''» Le combat spirituel était âpre, reconnaît le prêtre exorciste. Il a duré près d'une heure avoue-t-il. Au cours de ce ''bras de fer spirituel '', le prêtre et l'esprit échangeaient : « Quand je demandais à la jeune fille : comment tu t'appelles, elle me répond ''Le plus beau, je me nomme Le plus beau' »En effet, reconnaît le prêtre, la jeune fille était d'une grande beauté. Au cours du dialogue avec le père, l'esprit disait : « Je suis le plus beau, je ne peux pas la laisser, c'est ma femme, je l'ai possédée». Finalement le prêtre et son équipe ont réussi à libérer cette jeune fille.

«Je m'appelle Malin, si je la quitte, elle meurt»

La deuxième expérience que le prêtre a vécue dans son exercice de délivrance des âmes possédées s'est également déroulée à la même paroisse Saint André de Yopougon. Le noyau du Renouveau charismatique tentait de délivrer une jeune dame. Mais, ce n'était pas une partie de plaisir, pour ces jeunes chrétiens pleins de zèle. C'est ainsi que le père Niava, qui était de passage, est venu à leur secours. Au cours de la séance, la possédée a tenté, à deux reprises, de s'agripper au prêtre, qui l'a évitée. La troisième fois, c'est un de ses fils spirituels qui s'est interposé pour qu'elle n’attrape pas la soutane du prêtre. La jeune dame, qui se débattait comme un beau diable, avait réduit en lambeaux les habits des jeunes gens qui intercédaient. Vers 22 heures, des membres du bureau diocésain du Renouveau viennent tomber sur le spectacle. Ce qu'ils ont vu les dissuada de leur prêter main forte; et ils s’éclipsèrent, en laissant le jeune prêtre et ses fidèles compagnons continuer la séance. Ici aussi, la conversation entre cette jeune dame possédée et le prêtre se passe de commentaires : « lorsque nous lui avons demandé comment elle s'appelle, elle répond : ''Malin, je m'appelle Malin, si je la quitte, elle mourra''. Je lui ai rétorqué : ''elle ne mourra pas''. Nous avons redoublé d'ardeur dans la prière et l'esprit a fini par sortir de la jeune dame. » Mais, ce qui va se passer juste après, provoqua la panique dans les rangs des intercesseurs. La jeune dame devient inerte comme un mort. «Nous avions continué de prier avec force et la dame s'est réveillée. Je me suis dit que le Seigneur m'a sauvé, car si cette dame mourrait, j'allais avoir non seulement affaire à ses parents, mais aussi à mon évêque qui ne m'avait pas, à l'époque, autorisé à faire de l'exorcisme »

''Ce que les sorciers de Lopou m'ont montré lorsque j'ai détruit leur arbre fétiche''

C’était en 2002, le père Marie-Faustin Niava était curé à Lopou, un village de Dabou. Des phénomènes, qui devenaient récurrents, intriguent le jeune prêtre, qui a fini par avoir la révélation de ce qui était à l'origine de décès fréquents de jeunes filles en couches, à des moments bien précis de l'année. Les jeunes gens de Lopou organisaient une chasse saisonnière, au cours de laquelle ils ramènent du gibier au village. Le prêtre remarque qu'une fois cette chasse traditionnelle terminée, commence une série de décès chez les jeunes filles en couches. Les plus chanceuses perdaient leur grossesse. Le prêtre s'est aperçu qu'à l'issue de la fête, les jeunes chasseurs se rendent à un endroit et font des sacrifices à un arbre. Conséquence : les animaux tués pendant cette partie de chasse sont remplacés par les esprits de ces jeunes filles du village qui meurent avec leur grossesse. Pour mettre fin à cette série noire, le curé entreprend de détruire l'arbre qui est à l'origine de ces décès. A chaque fois qu'il veut évoquer un événement qui l'a profondément marqué, il marque une pause, soupire et raconte ce qu'il a vécu : « Je leur ai dit que moi je vais détruire cet arbre-là avant de quitter ce village, parce que vous faites trop de mal aux jeunes filles » Le prêtre va profiter d'une croisade d’évangélisation dans le village pour mettre à exécution sa menace. « J'ai utilisé le Saint-sacrement, que j'ai pointé sur l'arbre en priant. Une semaine après, l'arbre s'est écroulé ». Pour les esprits du mal, c'était la provocation de trop de ce jeune prêtre hardi. Ils décident de lui faire payer cher son audace : «Je l'ai payé à Lopou, je l'ai chèrement payé. J'ai contracté la fièvre , et pendant deux semaines, j'étais plongé dans un coma profond. Lorsque j'en suis sorti, j'étais dans ma chambre d'hospitalisation, lorsque l'un des envoyés des sorciers est venu me voir en personne pour me porter le message de sa confrérie. Il s'est adressé à moi en ces termes: ''Toi jeune Alladian-là, tu ne reviendras plus à Lopou pour diriger l'église, tu vas rester ici à l'HPD (Hôpital protestant de Dabou, ndlr) et on va t'envoyer les deux pieds devant dans ton village''. Je lui ai répondu que je retournerai à Lopou, pour achever ma mission avant de quitter ce village ». Le prêtre qui affirme que le fait qu'il vient de raconter n'est ni un songe, ni une hallucination, a même donné le nom de cet émissaire des sorciers, décédé quelque temps plus tard. « Pendant ma maladie, l'évêque s'était rendu à mon chevet, mais je ne l'avais pas reconnu semble-t-il ». Au cours de son hospitalisation, un fait a failli lui coûter la vie. Le ballon contenant le sérum, qu'une infirmière lui avait placé, s’était complètement vidé. Le personnel soignant n'étant pas là pour lui retirer l'aiguille, c'est son sang qui remontait dans le ballon. S'il ne s’était pas réveillé subitement, il mourrait vidé de son sang. Parmi les cas de possession, on note une majorité de femmes et de jeunes filles. Le prêtre qui reconnaît cette réalité, n'arrive pas lui-même à expliquer cela. Mais, il soutien avoir aussi délivré des hommes possédés. « Lorsqu'un homme est possédé, ce n'est pas beau à voir, car il dégage une force redoutable», avoue le prêtre, qui évoque justement le cas d'un jeune homme qu'il a délivré lorsqu'il était diacre à la paroisse Saint Vincent de Paul d'Abobo-Doumé. Le jeune homme était bien bâti, et pendant qu'il était sous l'emprise de Satan, il avait une force extraordinaire. « Nous savions tous que cette force ne venait pas de lui. Lorsque nous l'avons délivré, il a poussé un cri terrible qui a traversé le cimetière, qui n'était pas loin de l'église. Pendant toute la semaine, tous les jeunes gens qui m'ont aidé à le délivrer sont tous tombés malades. » Quand cet homme a été libéré de l'emprise du démon, un fait insolite s'est passé, révèle le prêtre. Il n'était plus ce jeune homme d'un noir foncé, mais il avait plutôt un teint bronzé. C'était son vrai teint, ont affirmé ceux qui le connaissent. Le père Niava porte aujourd'hui les séquelles d'une de ses séances de délivrance. C’était toujours à Lopou, à Dabou, au cours d'une séance de délivrance qu'il faisait à l'oratoire des prêtres, pour une jeune fille venue lui exposer ses difficultés. Au moment où le démon devait la quitter, il a poussé un de ces cris qui a fait fuir la religieuse qui l'assistait. « Lorsque je me suis rendu compte de son absence, elle était déjà dans sa communauté. Quant à moi, ce cri m'avait bouché les oreilles et depuis ce jour, j'ai des croûtes dans mes oreilles qui ne finissent jamais ». Le prêtre avoue qu'il vit avec cette anomalie.

Les étapes de l'exorcisme

Selon le père Niava, toute séance d'exorcisme est précédée d'écoute, à ne pas confondre avec une consultation. « Moi, je ne fais pas de consultation, je ne révèle rien à celui qui se trouve devant moi. Certes, le Seigneur me révèle parfois des choses, des noms, des lieux, mais je ne les révèle jamais.» Le prêtre justifie cette discrétion par les conséquences que certaines révélations pourraient entraîner: «Certaines révélations peuvent diviser des familles. Imaginez que je révèle à quelqu'un que c'est sa propre mère qui est à l'origine de ses problèmes, ou à un autre que c'est son collègue de service qui est la cause de son manque de promotion. Ces gens n'en voudront-ils pas à la personne qui est à la base de leur malheur? ». Est-ce pour autant que le père Niava abandonne ces personnes entre les mains de leurs ennemis? Non, dira-t-il : « La première des choses que je fais pour ces personnes, c'est de prier et de briser tous les liens, les forces qui les combattent. Je le fais sans leur révéler quoi que ce soit, sur ces personnes qui leur en veulent. ». Le prêtre exorciste affirme que l'écoute est une étape primordiale pour exorciser une personne. Pendant la séance, le visiteur expose de long en large tout ce qui ne va pas dans sa vie. «Je prends tout le temps de l'écouter, sans pour autant prendre pour argent comptant ce que la personne dit. C'est après l'avoir écoutée que je lui dis ce qu'elle a et je lui donne des orientations, un cheminement de prières qui peut durer 15 ou 30 jours, selon l'ampleur du problème ». Le rosaire, la récitation du chapelet, est indispensable, lors de ce cheminement, car il rend le travail d'exorcisme plus facile, soutient le père exorciste. Car pendant ce temps, dira-t-il, la prière du chapelet affaiblit beaucoup ce que le diable a déposé dans ces personnes. Le prêtre avoue que la prière du chapelet l'a sauvé de nombre de situations, c’est pourquoi il l'impose à tous ceux qui viennent le voir, chrétiens comme non-chrétiens. Certains refusent de réciter le chapelet, fait savoir le père Niava, qui leur fait comprendre qu'il ne peut rien faire contre leur refus d'être délivré. Certains s'en vont effectivement, tandis que d'autres restent et apprennent à réciter le rosaire par les soins de son assistante qui leur montre comment se fait cette prière. A l'issue de ce cheminement de prière de deux semaines ou un mois, le rendez-vous est pris pour la séance d'exorcisme proprement dite. Ne pouvant pas la faire au presbytère des prêtres à Ananeraie, le prêtre a obtenu l'autorisation de ses évêques pour le faire au centre Monseigneur Chapoulie de Yopougon. « Quand c'est un sérieux cas de possession, si je ne peux pas libérer la personne le même jour, j'arrive au moins à faire la moitié du travail, et le reste plus tard. Mais le plus souvent, je libère la personne le même jour». Le prêtre affirme exorciser également des bureaux, des domiciles, des fermes, des plantations, qui sont possédés. En dehors du centre Mgr Chapoulie, le père Niava a aménagé un petit centre de retraite à Adéssé à Jacqueville où il organise de temps en temps des retraites « Là je consacre beaucoup plus de temps à ces personnes qui viennent. Elles ont vraiment le temps d'expliquer en détail leurs difficultés. C'est un centre qui a une capacité d’une vingtaine de personnes. Je l'ai fait construire avec des matériaux locaux, compte tenu des moyens. Maintenant, si des personnes généreuses veulent bien nous aider à l’agrandir et à mieux le faire connaître, ce sera une bonne chose.'' dira-t-il

Les objets utilisés pour l'exorcisme et leur rôle, comment ils neutralisent les effets du diable

Selon le prêtre, l'exorciste doit toujours avoir en sa possession certains éléments importants comme l'eau bénite, le sel et l'huile exorcisée. Il explique leur rôle : « Les victimes des sorts trouveront une grande aide dans l'usage de l'eau, du sel et de l'huile exorcisée, en mettant en Dieu toute leur confiance. J'ai donné un enseignement sur ces objets, ce sont des sacramentaux et non des sacrements qui rentrent dans les prières que l’Église catholique nous a données pour se protéger des attaques du démon. Parmi ces éléments, il y a les bougies, les rameaux séchés, des cordons de sainte Philomène et d'autres éléments. L'eau bénite peut être bue, utilisée pour préparer, pour faire le café, le thé ou d'autres boissons. Le sel exorcisé peut servir à assaisonner les plats. Il est déconseillé de s'en servir pour préparer. Mais, lorsque le repas est déjà cuit et servi, on peut en mettre. L'huile exorcisée qui doit être d'olive et non d'autres huiles, on s'en servirait pour accommoder les aliments, mais pas pour les faire cuire. Ce sont des éléments que l'exorciste doit avoir en sa possession. Il est conseillé après une séance d'exorcisme, que l'exorciste fasse une onction d'huile sur les cinq sens de la personne pour l'aider à mieux se retrouver. Quand l'esprit s'en va, il y a ce qu'on appelle le sommeil de l'esprit. Il faut aider cette personne à se retrouver en utilisant l'eau bénite, l'huile. Quand il y a des cas graves, quand les personnes possédées ne veulent pas parler, quand la personne est bloquée, on peut introduire du sel exorcisé dans sa bouche, cela va délier sa langue, et elle va recommencer à parler. L'eau bénite a le pouvoir de chasser les mauvais esprits. Il y a aussi l'encens béni et les bougies exorcisées qui sont utilisés. Quelqu'un qui remarque que sur sa petite table de commerce, on a déposé un talisman ou un objet d’envoûtement à cause de la concurrence dans les marchés, on demande aux chrétiens catholiques d’utiliser tous ces objets exorcisés, notamment le sel, la bougie, l'encens, pour chasser l'adversité dans les boutiques, les salons de coiffure, de couture, etc. Lorsqu'on se réveille un matin et qu'en ouvrant la porte, on découvre devant sa maison des excréments, par exemple, c'est très fréquent, avant de les enlever, il faut d'abord y mettre de l'eau bénite ou du sel exorcisé. Il ne faut pas les balayer pour venir dans la maison, il faut plutôt les balayer dehors, ensuite asperger l'endroit d'eau bénite, au besoin on peut ensuite brûler ces choses et les jeter dans un caniveau. » Comment se procurer ces objets ? L'exorciste dira que souvent, au cours des messes, le prêtre demande à tous ceux qui ont des objets à bénir de les soulever et il les bénit. « Il est aussi conseillé d'apporter les objets de piété qui sont à la maison, statuettes, images et autres pour être bénis, même s'ils l'ont déjà été par le passé ».

Comment une personne peut savoir qu'elle est possédée

A en croire le père Niava, une personne peut ignorer qu'elle est possédée. , au cours des célébrations religieuses ou des campagnes de délivrance, lorsque le prêtre impose la main à cette personne, elle tombe aussitôt. C'est le cas aussi de certaines jeunes filles, dira-t-il, qui ont du mal à trouver un conjoint. Ces filles peuvent être possédées par des esprits de nuit, qui les empêchent de bénéficier des grâces du mariage . Lorsque ces filles se réveillent, elles sont toujours de mauvaise humeur. C'est évident, dira-t-il, qu'aucun homme n'oserait approcher de telles filles. Parmi les visiteurs du père Niava, il y a de nombreux non-chrétiens : « Si mon assistante vous montre le registre des rendez-vous, vous serez surpris », affirme le prêtre, qui révèle que certains de ces non chrétiens l'ont même choisi comme leur père spirituel.

Comment se prémunir contre les envoûtements, la possession par les mauvais esprits ?

« C'est par ''le combat spirituel'' que le chrétien peut se mettre à l'abri des possessions des démons ». Le père Niava montre comment le chrétien peut se prémunir contre les œuvres de Satan : « Pour se prémunir contre les maléfices de Satan, il faut se confesser régulièrement, être en état de grâce et non de péché. La sainte messe et la communion quotidienne bien reçue, l'adoration eucharistique, beaucoup de temps d'adoration. Il faut être constamment en prière, surtout la prière du rosaire. La Vierge Marie a cette puissance de détruire le diable et ses œuvres. Dernière chose, si malgré tout cela, tu penses que quelque chose ne va pas dans ta vie, alors, le dernier recours, c'est la prière d'exorcisme. Ce n'est pas le premier élément. Il est bon de faire un cheminement avec un exorciste. Mais, il faut retenir une chose, il faut s'aider soi-même. Si tu as de la haine contre ton frère, comment peux-tu demander à Dieu des grâces ? ''Celui qui hait son frère est un meurtrier'' dit Saint Jacques. Si tu n'aimes pas une autorité politique, comment peux tu demander à Dieu des grâces? Il faut enlever de son cœur certaines choses la jalousie, la haine, l'envie etc. pour que le Seigneur te protège contre des attaques»

Au moment de prendre congé du prêtre exorciste, une question s'imposait: Que reçoit un prêtre exorciste après tant de travail ? Sa réponse est claire : « Le prêtre exorciste n'est pas payé, ce n'est pas un travail générateur de revenu. Mais, Jésus-Christ n'abandonne pas ses enfants. Depuis que je suis arrivé ici à Sainte Elisabeth, c'est la paroisse qui me prend en charge. Mais, il y a des personnes généreuses, lorsqu'elles vous sollicitent pour venir chez elles, à la fin, elles vous disent : ''mon père, prenez ceci pour votre transport''. Le Christ a dit : ''l'ouvrier mérite son salaire''. Mais, à priori, je refuse en faisant comprendre à la personne que le travail du prêtre exorciste n'est pas rémunéré. Il y a aussi certaines personnes que j'avais aidées dans la prière et qui ont eu gain de cause, leur vie a changé, elles ont eu beaucoup de grâces. Ces personnes dont je ne me souviens plus parfois, reviennent me voir et me disent: ''mon père, vous souvenez-vous ? vous m'avez sorti de tel ou tel problème, il y a un peu longtemps. J'ai pu me marier, j'ai eu un enfant, ou bien j'ai eu du travail, ou encore je ne gaspille plus mon argent etc. Je viens vous exprimer ma gratitude par tel ou tel geste''. Je bénéficie souvent de ces dons des personnes reconnaissantes. » C'est sur cette dernière préoccupation que nous prenons congé du père Niava. Il était presque midi et c'est maintenant qu'il va prendre son petit déjeuner. Visiblement épuisé par une journée qu'il a commencée par la bénédiction de deux résidences, dont une l'a beaucoup ''oppressé'', comme il a l'a reconnu, il se demande, en regardant la table à manger : « Comment dois-je appeler ce repas ? petit déjeuner, goûter ou repas de midi ? » On pourrait aisément comprendre que ce prêtre saute souvent des repas, mais il ne fait pas que se priver de certains repas de la journée, il s'impose souvent plusieurs jours, voire des semaines de jeûne total, au cours desquelles il ne boit que de l'eau. Tout ceci devrait expliquer son physique.

D'après un entretien réalisé par Irène BATH et Charles D'ALMEIDA

Sauf autorisation de la rédaction ou partenariat pré-établi, la reprise des articles de linfodrome.com, même partielle, est strictement interdite. Tout contrevenant s’expose à des poursuites


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Charles d’Almeida

Journaliste Reporter

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