ACCUEIL • Société
Collecte des bouteilles en plastique: Dans l'univers des ramasseurs
Publié le : 06 avril 2016 par Hermance K-N

Les bouteilles en plastique servent toujours après (Photo : H.K-N)
On les voit sans faire attention à leur présence. Pourtant, ils sont nombreux à tourner dans les quartiers, ces gens, des femmes et des enfants, qui se démènent pour survivre grâce à la collecte et au ramassage des bouteilles en plastique. Dans le district autonome d'Abidjan, pendant quelques jours, nous avons filé quelques femmes et leurs collaborateurs qui mènent cette activité avare en récompenses.
- Partagez sur
Sur le chantier du domicile d'un particulier dans lequel '' Maman de Ousseine '' vit avec sa famille, au quartier Palmeraie à Cocody, de grands sacs de 300 à 400 kilogrammes traînent le long de la clôture. « On ne sait jamais. Les sacs sont là. Chaque enfant qui sort, revient avec quelque chose », nous confie-t-elle le mardi 8 mars 2016, lorsque nous lui rendons visite. Chez cette dame originaire d'un pays africain, cette activité est très importante. Aussi, nous explique-t-elle son programme : «Tous les jours de la semaine, nous tournons à la Palmeraie, Faya, Abatta, Chantier. Des fois, nous partons jusqu'à l'entrée de Bingerville, quartier Feh Kessé ». Ce mardi justement, Fati, la grande fille de Maman de Ousseine, est allée très tôt à Abatta, un sous quartier de Palmeraie, en direction de la commune de Bingerville. « A Abatta, je ramasse des bouteilles en plastique mais j'en achète aussi avec les domestiques. Ce quartier m'arrange parce que j'ai des fournisseurs fidèles, les filles de ménage. Elles me gardent les bouteilles. Je paye quatre petites bouteilles d'eau minérale à 25 francs cfa et trois grandes à 100 francs. Il y a des bouteilles qui sont plus petites », explique Fati à son retour dans l'après-midi. Le point des activités du jour est établi avec la gérante de l'affaire : sa mère. Selon celle-ci qui a eu une hypertension, à cause des longues marches sous le soleil, «les prix des bouteilles varient selon leur volume ». Ainsi, les bouteilles de 30 cl sont moins coûteuses que celles de 33 cl ou celles de 35 cl, ainsi de suite. « A la fin de la semaine, je peux avoir comme bénéfice, entre 5000 et 6000 francs. Lorsqu'on trouve beaucoup de grands bidons, c'est bon pour nous », se réjouit Maman de Ousseine, les yeux scintillants. Et d'expliquer qu'avec les bidons, le bénéfice est plus élevé, et que toutes les personnes qui mènent cette activité en savent quelque chose.
Des gamins à la rescousse...
A moins de 15 kilomètres de la Palmeraie, à Bingerville, Mouss et IB diminutifs de Moussa et Ibrahim, deux jeunes adonnés à cette activité, nous apprennent que l'activité n'est pas facile. Nu- pieds ou très souvent en « Lêkê », (chaussures en caoutchouc), ces deux collecteurs de bouteilles, racontent que c'est sous la pluie, et parfois sous le soleil calcinant, que les jeunes âgés de 11 et 12 ans travaillent. «Du quartier précaire de Bingerville, Gbagba, où nous habitons, nous partons chaque week-end, depuis bientôt deux ans, dans les quartiers environnants, pour le ramassage de bouteilles plastiques que nous livrons aux vendeuses de Bissap et de Gnamankoudji (des jus de consommation fabriquées de manière artisanale, ndlr) ou aux vendeuses de médicaments», expliquent ces jeunes élèves. Au cours du week-end de notre passage chez eux, nous constatons que les femmes de Bingerville préfèrent se ravitailler chez ces gamins qui tronquent parfois leur kaki contre la modique somme de 25 francs, les quatre bouteilles, que de les acheter à Adjamé où les trois bouteilles font 50 francs. Relativement aux lieux de ramassage, ces collecteurs indiquent que les maquis sont les endroits privilégiés, et qu'ils arpentent quelques les rues. « Nos acheteuses préfèrent les bouteilles aux sachets », fait savoir Mouss. A en croire leur cliente Amoin, « les sachets ne sont plus solides. En plus, ces jeunes sont propres parce qu'ils ne prennent pas les bouteilles n'importe où ». «Nous faisons un premier lavage chez nous, et ensuite un second lavage à l'eau de javel, chez la dame qui l’achète », nous apprend IB, concernant l'hygiène. Pour ces activités de week-end, Mouss et IB ont déclaré percevoir entre 500 et 700 francs cfa en 48 heures. Somme qui leur permet, selon eux, d’assurer leur petit déjeuner de la semaine, à l’école.
Activité lucrative
Dans la commune d'Abobo, les pots de conditionnement de boisson, fabriqués de manière industrielle, entrent dans une autre chaîne après leur première utilisation. En effet, elles sont également nombreuses, les populations qui font de la collecte et de la revente de ces pots en plastique, une activité lucrative. Ces commerçants qui, pour la plupart, exercent cette activité parallèlement à d'autres, disent en tirer des bénéfices non négligeables. En effet, achetés à 50 francs Cfa le lot de 5 pots de 30 cl et 50 cl, ou 150 francs le lot de 3 pots de 1,5 litre, ces pots sont revendus au prix double. « Nous les revendons aux vendeuses de Bissap et Gnamankoudji, et ça marche plutôt bien », fait savoir Koro qui fait ce commerce en plus de la vente d'articles religieux à la gare d'Abobo. Pour ce qui concerne la collecte desdits pots, elle explique que ce sont des enfants, en général, qui rapportent ce qu'ils trouvent dans les buvettes et autres établissements similaires. « Avant, c'est nous-mêmes qui nous promenions pour ramasser les pots dans les décharges, et cela nous demandait beaucoup de travail pour les rendre propres et les revendre ensuite. Maintenant, c'est plus facile et plus hygiénique », a affirmé, pour sa part, Madina. Cette revendeuse de pots en plastique ajoute que cette situation est due à la profusion de boissons de fabrication industrielle sur le marché. De son côté, Christ, âgé de 12 ans, collecteur de pots en plastique, nous en révèle la provenance des bouteilles qu'il ramasse. « Nous allons souvent les ramasser dans les établissements de vente de boisson, et souvent dans les poubelles, mais nous choisissons ceux qui ne sont pas très sales, et les lavons nous-mêmes, avant de les vendre aux revendeuses », a-t-il confié, à Abobo Agbekoi.
Plus c'est grand, plus c'est intéressant
A Yopougon, Alioune, ramasseur et vendeur de bidons, dans le secteur de la zone industrielle, nous confirme ce que Maman de Ousseine a dit à propos des bidons. Sans donner de détails sur l'origine de ses bidons, Alioune qui collecte les bidons de 2 à 1000 litres, nous apprend, dans l'après-midi du samedi 5 mars 2016, que trouvés, ces récipients sont perçus comme de l'or. « Je vends le 40 litres à 4000 francs Cfa, alors que je le prends à 1500 francs. Le 50 litres, c'est 5000 francs.Pour 200 litres, il faut avoir au moins 10 000 francs. Il y a des bidons que nous vendons ici à 50 000 francs. Les gens viennent les prendre, pour les deposer sur leur chantier ou dans leur maison », fait savoir Alioune. En notre présence, un homme et une dame arrivent chez le collecteur-vendeur, et repartent avec des bidons après avoir dépensé au moins 90 000 francs. Toujours en notre présence, un jeune vient livrer des bidons à Alioune à des prix édifiants, sur les marges bénéficiaires de ce ramasseur. Sans être explicite sur la question de ses recettes journalières, Alioune soutient que « ce n'est pas tous les jours que ça marche ». Et donc, il y a des jours sans...
Hermance K-N
Sauf autorisation de la rédaction ou partenariat pré-établi, la reprise des articles de linfodrome.com, même partielle, est strictement interdite. Tout contrevenant s’expose à des poursuites.
Recevez le résumé quotidien de l’info en Côte d’Ivoire
La newsletter est gratuite et vous pouvez vous désinscrire à tout moment ! Profitez du meilleur de Linfodrome dans votre boite mail !
DONNEZ VOTRE AVIS SUR LE SUJET

Hermance K-N
Journaliste Reporter
LINFODROME NE VIT QUE DU SOUTIEN DE SES LECTEURS
Abonnez-vous à partir de 1€ et soutenez le premier quotidien en ligne 100% indépendant, sans financement public ou privé.