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Performance et perspectives macro économiques de l'Afrique

Publié le : 20 janvier 2023 par Jean Kelly KOUASSI

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Les conditions macroéconomiques mondiales sont récemment devenues de plus en plus incertaines.

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Avant propos

Des chocs multiples persistent et rendent l’élaboration des politiques et la prise de décisionsd’investissement très difficiles. Les répercussions de cet environnement externe hautement volatile se sont propagées sur le continent africain et menacent d’interrompre la reprise progressive après les effets persistants de la pandémie de COVID.

La nature dynamique et persistante de ocs mondiaux et leur interaction avec les pohs de risques nationaux et régionaux existants nécessitent un diagnostic régulier et des actions de politiques ciblées pour traiter leur impact sur les économies africaines. Compte tenu de cette situation, la Banque a décidé de lancer le rapport intitulé Performance et perspectives macroéconomiques de l’Afrique, une nouvelle publication semestrielle qui paraîtra aux premier et troisième trimestres de chaque année.

Elle aura pour objectif de fournir aux décideurs africains, investisseurs mondiaux, chercheurs et autres partenaires du développement une évaluation actualisée et factuelle de la performance macroéconomique récente du continent et de ses perspectives à court et moyen termes dans le contexte de l’évolution dynamique de l’économie mondiale. Ce nouveau rapport sera actualisée grâce aux prévisions et analyses issues de la surveillance des développements macroéconomiques régionaux et mondiaux.

Cette publication complète les Perspectives économiques en Afrique, la publication annuelle phare de la Banque, qui sera lancée en marge des Assemblées annuelles en mai de chaque année. Son édition de cette année portera sur les politiques visant à mobiliser des financements par le secteur privé en faveur du changement climatique et du développement vert en Afrique. La publication de cette première édition du rapport Performance et perspectives macroéconomiques de l’Afrique intervient à un moment où les économies africaines sont confrontées à des difficultés considérables.

Des chocs mondiaux et nationaux compromettent les progrès réalisés en matière de rétablissement de la stabilité macroéconomique et sociale et de soutien à la reprise économique à cause de l’augmentation du coût de la vie alimentée par des pressions inflationnistes croissantes. Nos estimations indiquent un ralentissement de la croissance du produit intérieur brut (PIB) réel moyen de l’Afrique à 3,8 % en 2022. Ce ralentissement traduit les impacts de facteurs défavorables, dont les conséquences de tensions géopolitiques croissantes, les risques liés au changement climatique et les effets prolongés de la COVID-19. Ces impacts ont été amplifiés par le durcissement des conditions financières mondiales et par l’augmentation résultante des coûts du service de la dette intérieure. Malgré cet environnement extérieur difficile, l’Afrique a continué à faire preuve de résilience. Tous les pays sauf un ont conservé une croissance positive en 2022, avec des perspectives stables en 2023 et 2024.

Le taux de croissance projeté du continent devrait atteindre une moyenne d’environ iii 4 % entre 2023 et 2024, surpassant ainsi les moyennes mondiales prévues de 2,7 % et 3,2 %. Pour les cinq pays africains les plus performants avant la pandémie de la COVID-19, les prévisions de croissance annuelle du PIB dépassent les 5,5 %, ce qui leur permettrait de réintégrer la ligue des 10 économies à la croissance la plus forte du monde en 2023–24. Cette stabilité projetée de la croissance à moyen terme reflète en grande partie les avantages du soutien de politique en Afrique, les efforts mondiaux pour atténuer les impacts des chocs exogènes et de l’incertitude croissante, et la stabilité de la croissance en Asie, l’un des principaux partenaires commerciaux de l’Afrique.

Toutefois, cette reprise opportune et la résilience économique des économies africaines doit s’accompagner d’un optimisme prudent. Les conditions financières mondiales se sont durcies et devraient rester restrictives à court terme à cause de la volatilité accrue des marchés financiers mondiaux et de la persistance des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. Cette situation pourrait exercer des pressions supplémentaires sur les taux de change et maintenir les vulnérabilités de la dette et l’inflation nationales à des niveaux élevés, menaçant ainsi la sécurité alimentaire et énergétique dans la plupart des pays africains.

Cette édition du rapport Performance et perspectives macroéconomiques de l’Afrique reconnaît les défis difficiles qu’auront à relever les économies africaines pour naviguer dans le labyrinthe des multiples risques mondiaux qui se chevauchent. Le rapport préconise donc des mesures de politiques audacieuses à l’échelle nationale, régionale et mondiale pour aider les économies africaines à atténuer les risques cumulés. La Banque renouvelle son appel à une mise en œuvre accélérée de réformes structurelles visant à renforcer l’industrialisation du secteur privé soutenue par le gouvernement dans des secteurs clés, entre autres l’agriculture et l’agro-industrie, les transitions énergétiques justes et intelligentes face au climat, le développement des chaînes de valeur des ressources naturelles, en particulier celles des minéraux pour le développement vert, les infrastructures de soins de santé de qualité et les industries pharmaceutiques, la numérisation et la gouvernance électronique.

Le rapport présente également des options de politiques visant à atténuer les effets du durcissement des conditions financières mondiales et à revitaliser les flux financiers vers l’Afrique. Il sera essentiel d’utiliser l’épargne accumulée par le secteur privé (tant en Afrique qu’à l’étranger) et de l’orienter pour financer d’urgence les infrastructures et le développement social d’une Afrique qui continue de se reconstruire de mieux en mieux pour assurer un avenir résilient, prospère et durable à tous ses habitants. Je suis donc heureux d’annoncer la publication du rapport Performance et perspectives macroéconomiques de l’Afrique 2023. Unissons-nous pour construire l’Afrique que nous voulons, c’està-dire un continent qui continue de jouer un rôle central dans l’amélioration de la qualité de vie de ses citoyens et qui contribue à la soutenabilité des économies partout dans le monde.

Dr. Akinwumi A. Adesina

Président, Groupe de la Banque africaine de développement

MESSAGES CLÉS

Après la reprise remarquable en 2021 à la suite du choc de la COVID-19, les économies africaines ont connu un ralentissement en 2022 dû à de nombreuses difficultés. Cependant, elles restent résilientes avec des perspectives stables. Le ralentissement de la croissance économique était dû à une conjonction de facteurs dont la multiplication des impacts du changement climatique, la persistance des risques liés à la COVID-19 en Afrique et dans le monde, et les répercussions des tensions géopolitiques dues à l’augmentation des conflits et de l’insécurité sur le continent et à l’invasion de l’Ukraine par la Russie1. Ces chocs intérieurs et extérieurs ont entraîné une volatilité importante sur les marchés financiers mondiaux, alimenté les pressions inflationnistes, augmenté les coûts du capital et du service de la dette, perturbé les chaînes d’approvisionnement mondiales, en particulier sur les marchés alimentaires et énergétiques. Ils ont également érodé la demande sur les principaux marchés d’exportation de l’Afrique, dont l’Europe et la Chine, ses principaux partenaires commerciaux.

À l’instar de nombreuses économies de marché émergentes, la plupart des économies africaines ont beaucoup souffert du resserrement des conditions financières et de l’appréciation du dollar américain. Le coût du service de l’encours de la dette a ainsi augmenté et le risque de surendettement s’est relevé. L’accès aux marchés de capitaux internationaux pour des nouveaux financements des besoins budgétaires des pays s’est aussi restreint. Enfin, l’instabilité sur les marchés des changes s’est considérablement accrue, mettant la stabilité des prix hors de contrôle de la plupart des banques centrales. Ces différents évènements interviennent à un moment où les positions budgétaires des pays africains étaient déjà mises à rude épreuve par les réponses politiques à la COVID-19 et le soutien aux populations vulnérables confrontées à la hausse des prix des denrées alimentaires et de l’énergie, et ce dans un contexte de niveaux d’endettement élevés et d’augmentation des impacts physiques du changement climatique. La croissance moyenne estimée du produit intérieur brut (PIB) réel a ralenti, passant de 4,8 % en 2021 à 3,8 % en 2022, et devrait se stabiliser à 4 % en 2023–24. La combinaison des chocs intérieurs et extérieurs soulignés ci-dessus explique ce ralentissement.

De plus, la révision à la baisse de la croissance annuelle du PIB réel de la Libye pour 2021, passant de 177,3 % à 28,3 %, suite aux mises à jour de la production pétrolière du pays, a éclipsé les baisses marginales des autres économies, comme l’illustre la baisse observée en 2021 de 2,1 points de pourcentage du taux de croissance moyen du continent. Les perspectives stables projetées pour 2023–2024 reflètent le soutien de politique continu en Afrique et les efforts mondiaux pour atténuer l’impact des chocs externes et de l’incertitude croissante. La réouverture anticipée de la Chine après trois ans d’une politique de zéro

1 Termes convenus lors des Assemblées annuelles 2022 du Groupe de la Banque africaine de développement au Ghana.

L’Afrique du Sud, l’Algérie, la Chine, l’Égypte, eSwatini, la Namibie et le Nigeria ont entré une réserve et proposé «Conflit entre la Russie et l’Ukraine». Malgré la confluence de multiples chocs, les cinq régions africaines ont enregistré une croissance positive en 2022, et les perspectives pour 2023-24 devraient être stables COVID ainsi que la perspective d’une croissance stable pour l’Asie pourraient soutenir la croissance de l’Afrique à moyen terme. L’Asie, un marché important pour les produits de base africains, représente environ 40 % des exportations totales de marchandises du continent.

Malgré la confluence de multiples chocs, les cinq régions africaines ont enregistré une croissance positive en 2022, et les perspectives pour 2023–24 devraient être stables (figure 1).

• Afrique centrale.

Soutenue par les prix favorables des matières premières, la croissance est estimée avoir été la plus rapide du continent à 4,7 %, contre 3,6 % en 2021. • Afrique australe. La croissance a connu la plus forte décélération, passant de 4,3 % en 2021 à environ 2,5 % en 2022. Ce ralentissement reflète la morosité de la croissance de l’Afrique du Sud, dont la hausse des taux d’intérêt, la faiblesse de la demande intérieure et la persistance des pannes de courant ont eu des répercussions sur l’économie.

• Afrique de l’Ouest.

Les estimations montrent un ralentissement de la croissance qui passerait de 4,4 % en 2021 à 3,6 % en 2022, reflétant les ralentissements en Côte d’Ivoire et au Nigeria, les deux grandes économies de la région. En dépit de la COVID-19, de l’insécurité et de la faiblesse de la production de pétrole malgré des cours internationaux en hausse, la croissance du Nigeria en 2023 pourrait bénéficier des efforts en cours pour rétablir la sécurité dans la région productrice de pétrole en proie à l’insécurité. Une transition politique pacifique après les élections de 2023 pourrait encore renforcer la confiance des investisseurs. Une reprise du Nigeria en 2023 pourrait contribuer à porter la croissance moyenne de l’Afrique de l’Ouest à plus de 4 % à moyen terme.

• Afrique du Nord. Les estimations de croissance montrent un recul de 1,1 point de pourcentage. Elle passerait ainsi de 5,4 % en 2021 à 4,3 % en 2022, en raison d’une forte contraction en Libye et de la sécheresse au Maroc. La croissance devrait se stabiliser à 4,3 % en 2023, en raison du rebond attendu dans ces deux pays et d’une croissance soutenue ailleurs dans la région.

• Afrique de l’Est.

Les estimations montrent un ralentissement de la croissance, passant de 5,1 % en 2021 à 4,2 % en 2022. Cependant, la région devrait se redresser pour revenir à la croissance moyenne d’avant la pandémie, et dépasser 5,0 % en 2023 et 2024. Malgré 


une relative diversification de la structure de leur production, les pays de l’Afrique de l’Est sont dans une large mesure des importateurs nets de produits de base, et pourraient donc faire les frais des prix internationaux élevés, auxquels s’ajoutent des chocs climatiques récurrents et de l’insécurité, notamment dans la Corne de l’Afrique. Le ralentissement de la demande mondiale, le resserrement des conditions financières et la perturbation des chaînes d’approvisionnement ont affecté les économies africaines de diverses façons. L’impact des chocs sur les économies riches en ressources et sur les principaux exportateurs de produits de base a varié en 2022 selon le type de produits exportés. Dans l’ensemble, les perspectives sont positives car les prix des principales exportations africaines restent élevés et la concurrence pour les ressources naturelles de l’Afrique devrait s’intensifier, avec la recherche par les économies avancées de marchés alimentaires et énergétiques alternatifs et de ressources minérales pour soutenir leurs transitions vertes.

• Selon les estimations, les économies dépendantes du tourisme ont connu une accélération de la croissance qui est passée de 4,2 % en 2021 à 6,3 % en 2022, grâce à l’atténuation relative des risques de la pandémie et l’épargne accumulée par les ménages dans les pays d’origine des touristes pendant la pandémie. Mais avec la hausse de l’inflation dans ces pays, la croissance devrait légèrement se tasser en 2023 pour atteindre 5,1 %.

• Les estimations montrent une légère décélération de la croissance dans les pays exportateurs de pétrole, lesquels représentent environ 51 % du PIB du continent. Elle passerait de 4,2 % en 2021 à 4,0 % en 2022. Cette contraction est due d’une part à une forte décélération de la croissance en Libye et d’autre part à une croissance modérée au Nigeria, les deux plus grandes économies de ce groupe. leur croissance devrait se stabiliser à 4,1 % en 2023 grâce à la réduction attendue des risques politiques en libye et à l’amélioration prévue de la production pétrolière au Nigeria, les cours pétroliers restant élevés par rapport à la baisse enregistrée pendant la pandémie.

• les estimations de croissance des autres économies à forte intensité en ressources montrent une baisse, passant de 4,7 % en 2021 à 2,8 % en 2022. cette décélération reflète des faiblesses structurelles, une production d’électricité insuffisante, une modération des dépenses de consommation des ménages due à une inflation élevée, et une faiblesse de la demande mondiale. comme pour leurs homologues exportateurs de pétrole, la croissance moyenne de ce groupe pourrait remonter légèrement à 3 % en 2023, au fur et à mesure de l‘amélioration des conditions du marché.

• les estimations indiquent également une baisse de la croissance dans les économies à faible intensité en ressources, laquelle passerait de 6,3 % en 2021 à 4,3 % en 2022. cette baisse est due aux pressions inflationnistes qui érodent la consommation des ménages et à la faiblesse de la demande mondiale d’exportations. ces économies, dont la plupart sont importatrices nettes de pétrole, ont souffert des prix élevés dans les secteurs de l’énergie et des denrées alimentaires, qui ont pénalisé les dépenses de consommation des ménages. Le resserrement des conditions financières mondiales a exercé une pression sur les monnaies nationales africaines, faisant courir un risque de hausse d’une inflation déjà élevée. cependant, cette dernière devrait s’atténuer en 2023 avec le maintien par les pays de politiques monétaires et structurelles restrictives. le durcissement des conditions mondiales a déstabilisé les marchés des changes de la plupart des pays africains, mais avec des effets différents.

La plupart des monnaies africaines, en particulier dans les pays exportateurs de matières premières, ont perdu une valeur substantielle par rapport au dollar en 2022 en raison du resserrement de la politique monétaire post-cOVID-19 aux états-Unis. les taux de dépréciation ont varié, allant de 69 % au Messages clés soudan du sud à 33 % au ghana, 24 % en sierra leone et 21 % au Malawi. D’autres monnaies africaines se sont appréciées, comme de 29 % en angola, 16 % aux seychelles, et 14 % en Zambie. Bien que les taux de dépréciation devraient ralentir en 2023 et 2024, la fragilité monétaire des économies africaines les plus intégrées au niveau mondial, à savoir l’algérie, le Kenya, le Nigeria et l’afrique du sud, devrait se poursuivre en 2023, en grande partie à cause de la persistance du durcissement de conditions financières mondiales et de la faiblesse de la demande extérieure.

Selon les estimations, l’inflation moyenne des prix à la consommation a augmenté de 0,9 point de pourcentage pour atteindre 13,8 % en 2022 contre 12,9 % en 2021, soit le niveau le plus élevé depuis plus d’une décennie. l’inflation a été à deux chiffres dans 19 pays africains, avec les niveaux les plus élevés en afrique de l’est (25,3 %), en afrique de l’Ouest (16,8 %) et en afrique australe (13,2 %). les taux sont restés à un chiffre en afrique du Nord (8,1 %) et en afrique centrale (7,3 %). le Zimbabwe a enregistré la plus forte hausse, l’inflation passant de 98,5 % en 2021 à 285 % en 2022.

Cette hausse brutale est due en partie à la majoration des coûts des importations alors que l’économie continue de faire face à des défis économiques prolongés. l’inflation reste également élevée au Malawi (21,7 %) et en angola (18,6 %). les pressions inflationnistes en 2022 proviennent principalement d’une l’inflation importée due aux répercussions de l’invasion de l’Ukraine par la Russie sur les prix des denrées alimentaires et de l’énergie ainsi qu’à la persistance de perturbations dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. l’inflation moyenne devrait progressivement ralentir pour atteindre 13,5 % en 2023 et 8,8 % en 2024, un niveau inférieur aux 9,1 % d’avant la pandémie en 2019 et à la moyenne de 9,6 % entre 2014 et 2018. le resserrement actuel des politiques monétaires et l’amélioration relative des conditions de l’offre alimentaire intérieure pourraient aussi ralentir la hausse des prix. l’afrique centrale connaîtra une inflation relativement faible, projetée à 5,7 % en 2023, et reflétant en partie la coordination de ses politiques monétaires et les avantages d’une monnaie régionale stable.

La reprise attendue et la résilience économique des pays africains à court et moyen termes suscitent un optimisme prudent vu l’importance de l’incertitude mondiale Le déficit du compte courant de l’Afrique s’est légèrement réduit, passant de 1,7 % du PIB en 2021 à 1,5 % en 2022, grâce à une amélioration des balances commerciales résultant d’une hausse des exportations de produits de base. Ce déficit devrait se stabiliser à 1,6 % du PIB en 2023–24, grâce aux effets d’entraînement des prix des produits de base sur les importateurs et exportateurs nets de ces produits. De même, le déficit budgétaire moyen devrait se réduire et passer de 5,2 % du PIB en 2021 à 4,4 % en 2022, à la suite des mesures d’assainissement budgétaire prises par plusieurs pays. La hausse des prix des matières premières a dopé les revenus des exportateurs nets.

De plus, les recettes du tourisme ont augmenté, avec un raffermissement des arrivées de touristes suite à la baisse des risques de pandémie et à l’assouplissement des restrictions y relatives. Cette reprise attendue et la résilience économique des pays africains à court et moyen termes suscitent un optimisme prudent vu l’importance de l’incertitude mondiale. Plusieurs facteurs pourraient augmenter les risques de défaut de paiement de la dette dans certains pays africains : l’accumulation déjà élevée de la dette et la modification de sa structure au cours de la dernière décennie, ainsi que des pressions financières supplémentaires créées par l’appréciation du dollar américain et le resserrement des conditions monétaires au niveau mondial.

La forte dépendance aux exportations de produits de base à valeur ajoutée limitée pourrait également retarder le processus de transformation structurelle tiré par la transition verte. En outre, les risques politiques pourraient s’aggraver dans 30 pays africains. Parmi eux, l’Algérie, la république démocratique du Congo, l’Égypte, l’Éthiopie, la Libye, Madagascar, le Nigeria, l’Afrique du Sud et le Zimbabwe doivent organiser des élections nationales en 2023 et 2024. De plus, les faibles taux de vaccination contre la COVID-19 (actuellement 26 %) font courir un risque modéré d’émergence de nouvelles variantes à travers l’Afrique, risque que pourrait amplifier une réouverture complète de l’économie mondiale.

Finalement, des risques faibles à modérés de tensions géopolitiques persistantes, et une nouvelle escalade de l’invasion de l’Ukraine par la russie pourraient venir perturber davantage les chaînes d’approvisionnement mondiales et les marchés des matières premières. (La figure 2 présente les perspectives des principaux indicateurs macroéconomiques des pays). De ce qui précède, les principaux risques de dégradation des perspectives sont les suivants :

• Des taux d’intérêt élevés, qui pourraient exacerber le coût du service de la dette et faire basculer certains pays dans un risque élevé de surendettement.

• Pertes et dommages dus à des événements climatiques extrêmes. • Une dépendance à l’égard des exportations de produits de base avec une valeur ajoutée minimale.

• Des conflits régionaux dans des points chauds clés tels que le Burkina Faso, la république démocratique du Congo, l’Éthiopie, le Mali et le Mozambique.

• Des risques politiques associés aux prochaines élections nationales dans certains pays. Selon les estimations, 15 millions de personnes supplémentaires sont tombées dans l’extrême pauvreté en Afrique en raison de la hausse des prix mondiaux de l’énergie et des denrées alimentaires en 2022, amplifiant ainsi l’augmentation de l’extrême pauvreté induite par la pandémie. Les ménages les plus pauvres ont souffert de manière disproportionnée des prix élevés des produits de base, perdant en moyenne environ 0,9 % de leur revenu réel par habitant en raison de la hausse des prix des denrées alimentaires et 1,2 % en raison de la flambée des coûts énergétiques. Certains pays ont enregistré des baisses bien plus importantes de leur revenu par habitant. En revanche, les 10 % les plus riches de la population du continent ont subi des pertes moins importantes – 0,7 % en raison de la hausse des prix des denrées alimentaires et 0,9 % en raison de la hausse des coûts de l’énergie, vu la part plus faible des denrées alimentaires et de l’énergie dans leurs budgets. Les effets de la hausse de l’inflation et de la morosité de la croissance nécessitent des mesures de politiques audacieuses, combinant des politiques monétaires, fiscales et structurelles :

• Un resserrement opportun et agressif de la politique monétaire dans les pays où l’inflation est aiguë, et un resserrement prudent dans les pays où les pressions inflationnistes sont faibles.

• Une coordination efficace des actions budgétaires et monétaires afin d’optimiser les résultats d’une intervention politique ciblée pour maîtriser l’inflation et les pressions budgétaires.

• Un renforcement de la résilience par la stimulation du commerce intra-africain, en particulier dans le domaine des produits manufacturés, afin de protéger les économies de la volatilité des prix des matières premières.

• Une accélération des réformes structurelles pour renforcer les capacités de l’administration fiscale et les investissements dans la digitalisation et la gouvernance électronique afin d’améliorer la transparence, de réduire les flux financiers illicites et d’accroître la mobilisation des ressources nationales.

• Une amélioration de la gouvernance institutionnelle et la promulgation de politiques susceptibles de mobiliser le financement du secteur privé, en particulier dans le cadre de projets entièrement nouveaux, à l’épreuve du climat et des pandémies, ainsi qu’une mobilisation des ressources de l’Afrique pour un développement inclusif et durable.

• Des mesures décisives pour réduire les déficits budgétaires structurels et l’accumulation de la dette publique dans les pays confrontés à un risque élevé de surendettement ou déjà en situation de surendettement.

• Un soutien renforcé aux populations les plus vulnérables pour amortir l’impact de la hausse des prix des denrées alimentaires et de l’énergie dans les pays disposant d’une certaine marge de manœuvre budgétaire. À cela, il faut ajouter une gestion des réserves de change pour réduire la volatilité des taux de change et renforcer la compétitivité des exportations.

Des politiques industrielles stratégiques sont nécessaires pour corriger les défaillances du marché, stimuler l’orientation vers MESSAGES CLÉS l’exportation et encourager une concurrence saine dans les secteurs clés. La pénétration des exportations africaines sur les marchés internationaux est limitée par des politiques industrielles qui n’encouragent pas la concurrence et l’ajout de valeur aux produits de base. Les économies africaines devraient repenser leurs modèles de développement en tirant profit des opportunités offertes par le secteur privé.

Elles devraient catalyser l’agriculture et l’agrobusiness intelligents sur le plan climatique, et transformer leur secteur énergétique en favorisant l’émergence et le développement d’industries de transformation du gaz en électricité, d’hydrogène vert et d’autres énergies renouvelables. Elles devraient aussi encourager le développement des infrastructures de santé et des industries pharmaceutiques selon les possibilités de leurs ressources nationales et de la compétitivité du marché.

Le développement du contenu local mérite également un soutien, ainsi que l’adoption d’un système commercial de franchise qui permettrait de développer les chaînes de valeur et de tirer davantage de valeur des ressources naturelles, en particulier dans les pays disposant de minéraux pour le développement vert. Les pays africains doivent stimuler le commerce régional pour mieux résister aux retombées du ralentissement économique mondial et réduire les déficits commerciaux persistants. Des réformes structurelles visant à stimuler le commerce régional peuvent créer un marché régional plus dynamique à moyen et long termes. Elles comprennent une accélération des investissements dans les infrastructures régionales matérielles et immatérielles, y compris les transports et la logistique. Il faut également encourager la libre circulation des biens et des services en supprimant les barrières commerciales et non commerciales. Enfin, il faut renforcer les systèmes de paiement africains.

Avec les récentes perturbations des chaînes d’approvisionnement mondiales et les appels au rapatriement des entreprises dans leur pays d’origine (re­shoring) ou leur relocalisation dans des pays amis (friend­shoring), la Zone de libre-échange continentale africaine présente une opportunité significative pour les pays d’internaliser les chocs tout en améliorant leurs balances Les effets de la hausse de l’inflation et de la morosité de la croissance nécessitent des mesures de politiques audacieuses commerciales et en renforçant leur résilience économique.

Pour combler les importants déficits de financement en Afrique, il est impératif de promulguer des politiques susceptibles de mobiliser et de tirer parti du financement du développement en Afrique par le secteur privé. Les banques multilatérales de développement et les Pour combler les importants déficits de financement en Afrique, il est impératif de promulguer des politiques susceptibles de mobiliser et de tirer parti du financement du développement en Afrique par le secteur privé autres institutions de financement du développement devraient déployer leur capital-risque pour mobiliser le financement du secteur privé en faveur de la croissance inclusive et du développement durable en Afrique.

Un recentrage de l’architecture financière mondiale devrait viser à mieux aligner les flux financiers sur la croissance inclusive et le développement durable sans aggraver les vulnérabilités de la dette. 

FIGURE 1 Performance et perspectives de croissance par région, 2020–24 6 3

Source : Statistiques de la Banque africaine de développement.

MESSAGES CLÉS FIGURE 2

Carte thermique de perspectives des principaux indicateurs macroéconomiques, moyenne, 2023–24 –0,4 –4,7

Note : La croissance du PIB et l’inflation sont exprimées en pourcentage ; les soldes du compte courant et les soldes budgétaires sont exprimés en pourcentage du PIB. Cette carte thermique présente les perspectives des pays pour certains indicateurs macroéconomiques clés. Les pays sont classés selon trois critères : vert pour les bonnes performances, jaune pour les performances moyennes, et rouge pour les performances faibles.

La croissance du PIB réel supérieure à 6 % est colorée en vert, de 4 à 6 % en jaune, et inférieure à 4 % en rouge. L’inflation est inférieure à 5 % en vert, de 5 à 9,9 % en jaune et supérieure à 10 % en rouge. L’excédent du compte courant est coloré en vert, les déficits inférieurs à 5 % en jaune et supérieurs à 5 % en rouge. Les déficits fiscaux inférieurs à 3 % sont indiqués en vert, les déficits de 3 à 5 % en jaune et les déficits supérieurs à 5 % en rouge. Source : Calculs des services de la Banque.

Source : Banque africaine de développement (BAD)


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Article rédigé par

Jean Kelly KOUASSI

Journaliste Reporter

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