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Tracasseries routières : Combien coûte le corridor Gabon-Cameroun aux opérateurs économiques ?
Publié le : 18 juillet 2025 par DJOMANDE Aziz

ZONE FRONTIERE ENTRE LE GABON ET LE CAMEROUN - AXE LIBREVILLE-DOUALA (PH:DR)
C'est le corridor Gabon-Cameroun de l'asphyxie avec une traversée qui coûte plus de 2 millions aux commerçants. Sur la route Libreville-Douala, le péage invisible des pots-de-vin. Sur la route de Libreville à Douala, ce sont encore les pots-de-vin qui font figure de droit de passage. Une réalité bien connue des commerçants, un casse-tête pour les finances publiques… et un défi permanent pour les ambitions d’intégration régionale de la CEMAC.
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Pour les opérateurs économiques qui relient Libreville à Douala, chaque convoi de marchandises tient du parcours d’obstacles. La note de conjoncture 2025 de la Banque mondiale dresse un tableau saisissant du quotidien des transporteurs et commerçants de la sous-région : il leur en coûte près de 2 millions de francs CFA par voyage en « frais divers », traduisez ici « pots-de-vin », pour acheminer une cargaison du Gabon vers le Cameroun.
À chaque trajet, plus de quarante contrôles routiers sont recensés Côté gabonais, soit une inspection non officielle tous les onze kilomètres. La traversée du corridor se transforme vite en épreuve de patience et d’endurance, ponctuée de versements aux agents publics, qu’il s’agisse de la police, des douanes ou d’autres corps de contrôle.
La Banque mondiale alerte
L’argent recueilli, note la Banque mondiale, ne répond à aucune grille tarifaire officielle. Il se collecte de manière opaque, sans reçu et sans véritable justification. Le véritable péage de la route Libreville-Cameroun, c’est donc la corruption. Un voyage se paie au prix fort, non seulement en monnaie sonnante et trébuchante, mais aussi en temps perdu:
jusqu’à 15 heures de retard sur le calendrier initial, avec à la clef des denrées périssables détériorées, des contrats fragilisés et des opérateurs découragés.
Les contrôles débutent bien avant la sortie du port de Libreville, où le temps de séjour moyen pour une marchandise importée dépasse les onze jours, contre plus de six jours à l’export. La lenteur des procédures et la multiplicité des inspections obèrent la compétitivité des acteurs économiques de la sous-région et s’ajoutent à d’autres freins bien connus.
Obstacle administratif et logistique : Une addition salée pour la compétitivité
Comme le souligne la même note d’analyse, le commerce transfrontalier pâtit aussi des labyrinthes administratifs: réglementations pointilleuses, autorisations à rallonge, normes techniques et exigences multiples tissent un canevas difficile à démêler pour les opérateurs.
En 2023, le Gabon se classe seulement 115e sur 139 pays à l’indice de performance logistique de la Banque mondiale, un rang qui en dit long sur le chemin à parcourir.
L’impact est direct pour les entreprises régionales notamment la dégradation de la qualité des marchandises, l’imprévisibilité des délais, la hausse des prix de revient, et, pour finir, l’érosion de la compétitivité. Le constat de la Banque mondiale est sans appel: en imposant de telles embûches à ses propres acteurs, le Gabon, comme d’autres sur le corridor, mine sa propre croissance et plombe sa capacitéà s’intégrer pleinement dans les circuits régionaux et internationaux.
Des dépenses qui dépassent et une dépendance collée au pétrole
Ces aléas sur la route ne sont que le reflet d’un contexte économique régional sous tension. En 2024, la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) a basculé dans le rouge. D’après le dernier rapport de la BEAC, la région affiche un déficit budgétaire global de 358,5 milliards FCFA, après deux années dans le vert.
Ce passage au déficit s’explique par une combinaison peu favorable : une baisse brutale des recettes tirées du pétrole (–18,2%), essentielle pour des économies encore massivement dépendantes de l’exportation du brut, conjuguée à une montée en flèche des dépenses publiques (+9,2%).
Les recettes non pétrolières progressent bien (+19,6%), tout comme la mobilisation fiscale (+15,7%), mais cela ne suffit pas à compenser la fonte des revenus pétroliers. Côté dépenses, tous les postes affichent une croissance: salaires, services, transferts sociaux et intérêts de la dette. Le Cameroun, moteur régional, voit ainsi sa masse salariale approcher 1523 milliards FCFA soit plus de 40% de l’ensemble de la CEMAC.
Le déficit s’est creusé dans tous les pays de la région, à une exception près : le Congo, dont la situation budgétaire reste excédentaire (+4,8% du PIB), tandis que le Tchad parvient à limiter la détérioration de ses comptes. Ailleurs, le solde vire au négatif : -1,8% du PIB au Cameroun, -4,2% en République centrafricaine, -1% au Gabon, -0,5% en Guinée équatoriale.
Comment mieux fluidifier les échanges et diversifier les revenus
Le corridor Libreville-Cameroun illustre à sa façon le double défi qui attend la CEMAC. D’abord, fluidifier les échanges, combattre la corruption de manière tangible, simplifier les procédures douanières et enfin offrir aux transporteurs des délais compétitifs pour rester attractifs. Mais la vraie bataille reste celle de la diversification économique, car la dépendance au pétrole rend les États vulnérables à la volatilité des marchés internationaux, comme le rappelle la chute actuelle du prix du baril.
La diversification des recettes, le développement de l’agro-industrie, la montée en puissance des filières hors hydrocarbures constituent des pistes évoquées depuis longtemps, mais qui peinent à s’imposer sur le terrain. Sans amélioration de la gouvernance, ni modernisation des chaînes logistiques, la sous-région risque de laisser filer tout le bénéfice d’une croissance ambitieuse annoncée.
Faire du commerce entre le Gabon et le Cameroun reste un parcours semé d'embûches. Dans sa note de conjoncture 2025, la Banque mondiale alerte sur les coûts excessifs liés à ce corridor stratégique, en raison de contrôles illégaux récurrents et de lourdeurs logistiques. Résultat… pic.twitter.com/ecqxaLL7CZ
— EcoMatin_Officiel (@EcoMatin_CMR) July 15, 2025
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DJOMANDE Aziz
Journaliste Reporter
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