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Censure à la Rti, Bomou Mamadou (artiste-comédien) assène ses vérités
Publié le : 22 aout 2013 par Diarra Tiémoko
Bomou Mamadou : « J’ai rappelé à Alassane Ouattara sa promesse de m’aider »
Bomou Mamadou est connu comme l’un des meilleurs paroliers de sa génaration. Nous l’avons rencontré le mercredi 14 Août 2013 à son domicile à Bingerville. Dans l’interview qu’il nous a accordée, le ‘’maître de la parole’’ est revenu sur sa carrière, ses relations avec les hommes politiques notamment l’ex-Chef d’Etat Laurent Gbagbo, et il s’offusque de l’organisation d’une caravane de la réconciliation.
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Cela fait un bon bout de temps qu’on ne vous voit plus à la télévision. Quelles sont les raisons de ce silence ?
Bomou Mamadou : Beaucoup de personnes me posent la même question. Mais c'est la même réponse que je leur donne. Vous savez, Bomou Mamadou ne travaille pas à la télévision. La télévision est un outil d'information, de propagande. Moi, j'aime dire, quand ton chant n'est pas plus beau que le silence, alors tais-toi. Le jour où j'aurai besoin de la télévision, on me verra. J'ai sorti des œuvres, et quand j'ai eu besoin de la télévision, j'étais là-bas. Maintenant, je suis là, je ne vis que de mon art.
N’êtes-vous pas victime de cette censure dont sont la cible certains proches de l'ancien pouvoir?
B.M: Moi, je n'ai jamais été partisan d'un régime. Mais, malheureusement, c'est ce que les gens pensent. Je ne participais pas non plus aux différentes réunions du Fpi. Vous savez, je parlais au président de la République de Côte d'Ivoire, c'était Laurent Gbagbo, et aujourd'hui, c'est Alassane Ouattara. Demandez si je ne lui parle pas. Cela fait 6 à 7 fois où j'ai ''presté'' devant lui. Allez-y et demandez ! Je suis même invité au conseil des ministres de l'Uemoa et de l'Union africaine, où je chante devant tout le monde.
Mais, on dit que vous étiez l'un des filleuls de Laurent Gbagbo. Vrai ou faux?
B.M : Écoutez, ça c'est le jugement des gens. Les gens trouveront toujours à dire ce qu'ils ont à dire sur votre personne (…) C’est connu de tous, Gbagbo m'a donné une 4x4. Wade également m'a offert 25 millions, alors que je ne suis pas Sénégalais. Lassana Kouyaté de la Guinée m'a donné 11 millions 500 mille Fcfa pour une prestation de 10 minutes. Les gens aiment ce que je fais, et puis, les Africains c'est toujours ainsi, ils trouveront des choses à dire sur vous. Je suis un artiste et tout ce que je dis, je m'adresse au peuple. Je m'adresse à ceux qui ont le destin du peuple. Je suis ce que j'appellerais le regard du peuple. Le président Alassane Ouattara, je l'ai connu avant même qu'il ne soit président et c'était à l'investiture du Gouverneur de la Bceao à Dakar au Sénégal. Ce jour-là, quand j'ai presté, il m'a félicité. Et, il m'a même dit : « quand je serai président, je vais t'aider ». Ce que je lui ai rappelé lors de la 6ème Conférence ministérielle de l'Union africaine en public devant tout le monde. Par la suite, il m'a reçu à son bureau en présence de la Grande chancelière Henriette Dagri Diabaté. Il m’a dit que j’étais le genre d'artistes qu'on doit aider pour aller de l'avant. Je n'ai pas eu la chance de parler à Bédié. Parce qu'à cette période, je n'avais pas encore développé cette maîtrise de la parole. J'ai parlé à Blaise Compaoré, sans être Burkinabé. J'ai aussi chanté devant le président du Niger, sans être Nigérien, devant Lassana Kouyaté de la Guinée, devant le président de la République Sénégalaise, Abdoulaye Wade et plusieurs autres personnalités. À l'inauguration des maisons ''Attbougou'', construites par Amadou Toumany Touré, j'étais-là et c'est moi qui étais le porte-parole de la caravane de l'intégration africaine initiée par Africable, la chaîne malienne. Et puis de toute façon, que ce soit Alassane Ouattara ou pas, j'irai parler au président de la République. Donc, que voulez vous que je fasse ? Ce n'est pas parce qu’Alassane Ouattara est au pouvoir que la vie va s'arrêter ? Non ! La vie continue, et il faut que les gens comprennent. Depuis que je suis revenu du Mali où je travaillais sur Africable, je ne fais que jouer. Allez-y vous renseigner, aucune manifestation présidentielle ne passe, sans qu'on invite Bomou Mamadou.
L'Ambassade du Bénin en Chine vient de m’appeler, et il n'y a même pas longtemps, parce qu'elle avait besoin de faire un tournage de l'Afrique en Chine. Sachez bien, la publicité du vin ne se fait jamais, alors que le vin marche tout à fait. Allez-y vous renseigner, si Bomou ne tourne pas. Cela fait 32 ans que je travaille. Aussi, de ce que je fais, je suis comédien, metteur en scène, chorégraphe, danseur. J'ai été danseur-chorégraphe du grand ballet de la Côte d'Ivoire qui était alors les Eléphants danseurs. J'ai donné 17 ans de formation chorégraphique au village Kiyi. Également, je suis auteur chanteur compositeur, réalisateur de clips vidéos. J'ai travaillé dur pour avoir plusieurs cordes à mon arc. Mon album « Nelo » est sorti le 9 Novembre 2001, quand les gens ne me voient pas en chant, ils me voient en musique et ils sont étonnés de ma personne.
Parlez-nous de cet opus aux relents prémonitoires ?
B.M : En fait, le titre « Nelo », c'est depuis 92 que je l'avais déjà composé. C’était au Baron de Yopougon devant d’éminents supporteurs de l'Africa, dont un certain Troupa. Et après 9 ans, j'ai fait sortir « Nelo » sous sa version actuelle. Depuis 2001, on me dit « Bomou tu ne sors pas ». Voici ce que je réponds toujours à ces gens : « quand ton chant n'est pas plus beau que le silence, alors tais-toi ». Je ne suis lié à personne. Je suis mon propre producteur et arrangeur. Donc, j'ai le temps de fabriquer quelque chose de nouveau. Et quand je sortirai un nouvel album, les gens le verront. Une femme, elle a besoin de neuf (9) mois pour enfanter. Ce n'est pas parce que je suis Bomou Mamadou, que je dois sortir chaque année. Moi je respecte mon public, je ne veux pas le fatiguer avec de l'à peu près. Je ne suis pas parfait, mais j'essaie d'aller à la perfection. Le nouvel album va sortir, et chaque chose a son temps. Mais actuellement, si j'ai le temps pour aller m'exprimer en paroles, pourquoi ne pas le faire ? Pas forcement besoin d'un album pour s'exprimer. Les gens m'appellent pour aller sur scène, et quand certaines personnes voient cela, elles disent que ce sont les mêmes choses que je vais dire. Attends ! Ils racontent leur vie. Même les playbacks, moi, je n’ai jamais chanté la même chose. J'ai mon introduction qui est la même. C'est la présentation du conteur ou du parolier que je suis, et après les thèmes sont différents. Tous les thèmes que je développe sont différents, que ce soit en économie, en culture, en société, en industrie, c'est un travail méthodique.
« Quand ton chant n'est pas plus beau que le silence, tais-toi ! », une citation que vous prisez. D’où la tirez-vous ?
B.M: Oui, c'est mon maître qui m'a enseigné cela. Juste pour dire qu’il ne faudra pas agacer les gens avec le bruit. Cela ne sert à rien de faire sortir 10 albums en une année. La musique adoucit les mœurs comme on le dit, mais quand ta musique crée des troubles chez celui qui l'écoute, alors, veux-tu qu'on fasse quoi ? «Nelo», jusqu'à présent est joué à la radio, et dans plusieurs surfaces. La réalité qui est dans cet album ne peut pas mourir. «Nelo», est un devoir de reconnaissance de chaque africain, il est à temporel. Quand je dis ''continuons de nous tuer, entre-tuons nous c'est bien, renions nos origines, disons-nous que c'est la faute aux Européens''. Vous avez vu l'africain dire qu'il a fauté une fois ? Non ! Il trouvera toujours des ''cochonneries'' à raconter. Allez-y demander ! C'est moi qui ai tué Thomas Sankara, Biaka Boda, Patrick Lumumba (…) c'est moi. J'ai ma part de responsabilité dans le combat de l'Afrique.
Quel est l’état de relations avec le régime en place ?
B.M : J'ai une très bonne relation avec le régime en place. Je n'ai aucun problème avec ma conscience. Je suis Ivoirien. Et Alassane Ouattara est le président de tous les Ivoiriens, donc c'est aussi mon président. Dans l'histoire, les Gagou sont les premiers habitants de la Côte d'Ivoire, et je suis fier d'être Gagou. La seule arme dont je dispose, c'est ma parole, aussi comme diplôme, je n'ai que le Bepc. Je ne peux même pas prendre part à une réunion gouvernementale. Mais, prendre la parole est mon travail, mon métier. Et jusqu'à preuve du contraire, les gens m'appellent, parce qu'ils aiment ce que je fais. Je suis le porte-parole de ma propre conscience, et à chaque instant, c'est elle qui me gronde. Les gens me disent que je suis la voix du peuple, mais non ! Le peuple ne m'a rien dit de dire, alors je ne suis pas la voix du peuple. Ma parole n'a jamais été arrogante, mais parfois elle peut être choquante; tout simplement le regard que j'ai du peuple, c'est ce que je raconte.
Que pensez-vous de Bandaman Maurice, le ministre de la Culture ?
B.M : Le ministre de la Culture est le ministre de tous les artistes, de tous les gens d'art. Par contre, je ne suis pas encore allé à son bureau. Sachez une chose, ce monsieur n'est pas n'importe qui qu'on a nommé. J'ai un profond respect pour lui.
Que dites-vous de sa gestion ?
B.M : Non ! Je n'ai pas de critiques. Seulement que je salue l'initiative prise par le ministère. Parce que récemment, ils ont octroyé la somme de 30 millions à nos camarades pour qu'ils puissent produire des albums. C'est une belle initiative, et maintenant le Masa est en train de revenir. Je crois qu'ils sont en train de travailler. Cependant, je sais que les artistes en demandent trop. Nous vivons dans un pays où la culture est le parent pauvre, c'est-à-dire qu'elle n'est pas au devant des choses. Mais travaillons pour que nos œuvres soient achetées. Ici, nous bavardons trop.
Vous jouiez dans la série Sassandra qui passait sur la Rti1. Que devient cette série ?
B.M : Je ne suis pas le réalisateur de la série Sassandra. Je ne suis qu'un acteur. Vous pouvez demander au réalisateur, il vous informera. Si on me donne mon cachet, et on me présente mon rôle à jouer, je ne vois pas de raison pour ne pas venir.
A quoi est due l’interruption de la série?
B.M : Là, je ne sais vraiment pas. Je suis plutôt occupé. Si ce n'est pas du théâtre que je suis en train de faire, c'est la chorégraphie. En fait, je bouge beaucoup. Je suis en train de faire actuellement des Pad pour la chaîne Africable, qui passeront en éditorial. J'ai tellement de choses à faire.
Il revient que vous étiez toujours en retard pour le tournage du film. Que répondez-vous?
B.M : C’est faux ! Il n'y a personne qui venait à l'heure que moi. J'ai été formé pour cela et je forme pour ça. Je suis, mine de rien, le formateur du Kiyi. Demandez à mes élèves et à Wêrê Wêrê -Liking. Celui qui voit l'exemple vivant est 100 fois plus privilégié que l'exemple du mythe. Depuis 1982, je vis de mon art à condition de l'exercer avec dévotion et sérieux.
Peut-on savoir votre actualité?
B.M : Actuellement, j'ai plein de choses sous la main. Mais, je ne vais pas sortir pour le moment de nouvelle œuvre, parce que ça ne sert à rien. Aujourd'hui, les ventes des œuvres de l'esprit ne nourrissent pas son homme. Tu n'as pas encore sorti, et puis ton album est sur Internet, sans oublier les pirates. Je suis en train de faire un ''Best Of'' de tout ce que Bomou a chanté. Également, je suis en train de faire une mise en scène, et je prépare le Masa. Je suis dans les salles de spectacles. Je joue plus à l'extérieur qu'ici en Côte d'Ivoire.
Quel est le message de paix que vous voulez adresser aux Ivoiriens ?
B.M : Ce n'est pas le président de la République qui va nous unir. Il faut que la vraie réconciliation se passe d'abord entre les populations. Quand on rassemble des artistes pour parler de réconciliation, c'est une perte de temps. Les gens ne sont pas encore réconciliés entre eux, pourquoi dépenser des sommes, alors qu'on pourrait construire des hôpitaux, des maternités et des écoles. Si on m'invite pour chanter la réconciliation, je n'irai pas. Parce que, je suis réconcilié avec moi même. Tout ce qu’on entend sont des grands discours et des paroles en l’air. Préalablement, il faut que les Ivoiriens soient réconciliés avec eux mêmes. Notre hymne national a été pensé par de grandes personnalités. « Salut ô terre d'espérance », il faut savoir que la Côte d'Ivoire est un pays d'hospitalité, et les Ivoiriens doivent également le savoir. Il faut que les populations de Côte d'Ivoire sachent que c'est le destin du pays qui est en jeu.
DIARRA Tiémoko
KAMAGATÉ Tiémoko (Stg)
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Diarra Tiémoko
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