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Cavally : « Mes propositions pour éradiquer l’apatridie » (M.L Ouloudé, Dir. régionale du ministère de la Famille)
Publié le : 10 janvier 2023 par Elvis GOUZA
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Nanga Marie-Louise Epouse Ouloudé, Directrice Régionale de la Famille, de la Femme et de l’Enfant du Cavally
La Directrice Régionale du Ministère de la Famille, de la Femme et de l'Enfant de la région du Cavally, Marie-Louise Nanga épouse Ouloudé, dénonce dans cette interview le laxisme des parents à faire les extraits de naissance de leurs enfants, tout en donnant des recettes pour éradiquer le phénomène d'apatridie tant au niveau des enfants que des grandes personnes
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Quelques sont les missions de la Directrion Régionale du Ministère de la Famille, de la Femme et de l'Enfant ?
Nos missions, c’est surtout aider les femmes à être autonomes. Aider les familles à ce qu’elles soient plus épanouies et nous avons une grosse mission qui est la protection de l’enfant au niveau du Cavally. Cela veut dire qu’il faut que non seulement les droits de l’enfant soient respectés, mais il faut que l’enfant puisse s’épanouir dans tous les compartiments de sa vie.
Que signifie « il faut que l’enfant soit épanoui dans tous les compartiments de sa vie » ?
Cela veut dire que l’enfant a droit à la santé, il a droit à l’éducation, il a droit à la vie. Pour ce faire, nous faisons des sensibilisations dans le cadre de la protection de l’enfant. Au niveau de certains villages, de certains campements, nous avons pour mission d’installer des comités de protection de l’enfant. Ces comités veillent à ce que les enfants ne subissent pas des violences physiques, des violences sexuelles. Vous savez que très souvent, des gens aiment abuser des enfants. Les enfants aussi doivent aller à l’école.
Lors de vos campagnes, est-ce que vous mettez un accent sur la scolarisation de la jeune fille qui est très faible dans les pays en voie de développement comme la Côte d'Ivoire ?
Il ne faudrait pas qu’on choisisse de faire partir des garçons à l’école et laisser la fille à la maison ou qu’elle accompagne ses parents dans les travaux champêtres. Non, la jeune fille doit être scolarisée. On sensibilise aussi les parents sur la production de l’extrait de naissance des enfants. Vraiment, ce n’est pas normal que vous fassiez un enfant et le laisser comme ça. Même si l’enfant est né dans un campement, il a droit à une identité. Donner une identité à son enfant est de faire son extrait d’acte de naissance. Ainsi, quand il sera grand, il pourra partir à l'école.
Pouvez-vous rappeler comment on fait établir un extrait d’acte de naissance pour un enfant ?
Pour faire l’extrait de naissance, il faut d’abord faire la déclaration de naissance de l’enfant. Quand c’est dans une maternité que l’enfant nait, la sage-femme produit un document et c’est avec ce document qu’on va à la mairie ou à la sous-préfecture pour faire l’extrait de naissance de l’enfant. Ça ne coûte pas grand-chose. Et aujourd’hui, pour faire une copie d’extrait d’acte de naissance, il faut payer le timbre qui est de 500FCFA. Ce qu’on a constaté ici, dans la région du Cavally, c’est que les parents n’aiment pas faire les extraits d’actes de naissance de leurs enfants.
Avec un coût aussi faible, pourquoi les parents, selon vous, peinent-ils à faire établir les extraits acte de naissance de leurs enfants ?
Je pense que c’est une négligence au niveau des parents. Ils peuvent le faire. Il y a des occasions qui leur sont données. Par exemple, le gouvernement a aidé les parents en instaurant des audiences foraines pour que les gens puissent faire les extraits de naissance de leurs enfants. Mais là encore, on a l’impression que les parents démissionnent. On a remarqué aussi que très souvent le père et la mère n’ont pas eux-mêmes des pièces d’identité. Donc, si on veut vraiment donner des extraits aux enfants, on doit commencer par le père et la mère. Et bizarrement, ces derniers accordent peu d’importance à ces documents. Ils ne font rien, ils sont tranquillement assis.
Quand vous êtes face à une situation où les parents eux-mêmes n’ont pas de pièces d’identité, que faites-vous ?
On a eu plusieurs missions, on a parlé aux parents. On leur a fait comprendre que la pièce d’identité est très importante. Quand il y a un accident, on pourra les identifier. Avec la carte nationale, on prouve qu’on est citoyen ivoirien, on peut aller voter. L’Etat fait des efforts mais il faut que nous-mêmes, fassions aussi des efforts pour avoir des documents administratifs. On parle de tout cela aux parents qui se trouvent dans les villages où nous avons installé des comités de protection de l’enfant. Je suis allée jusqu’à dire que les parents qui ne font pas d’extraits actes de naissance de leurs enfants, on doit leur donner des amendes.
On doit les punir, car ce n’est pas normal qu’ils laissent leurs enfants sans documents administratifs. Ils se plaignent qu’ils ne veulent pas aller au tribunal, ils ne veulent pas faire ceci, ils ne veulent pas faire cela. Et nous, nous leur rétorquons que quand on ne fait pas à temps la déclaration de naissance de son enfant dans le délai de trois (3) mois, selon la loi, ils sont obligés d’aller au tribunal pour le faire et ça devient coûteux.
Recevez-vous des soutiens dans votre quête de permettre à chaque enfant d’avoir des extraits actes de naissance ?
Il y a pleins d’ONG qui sont venues sensibiliser et aider les parents à faire les extraits de naissance de leurs enfants, pourtant ce n’est pas leur rôle. Aujourd’hui la loi dit que si le père ne veut pas faire la déclaration de l’enfant à l'état civil, la maman peut le faire. La loi autorise la maman à prendre tous les documents qu’elle a eus à la maternité pour aller faire la déclaration à la mairie ou à la sous-préfecture. Ça là aussi, c’est difficile. On parle aux chefs de village, aux communautés pour leur montrer l’importance de faire les extraits de naissance de leurs enfants. On parle aux parents, mais ça ne change pas pourtant, c’est le droit de l’enfant d’avoir une identité.
Que proposez-vous concrètement, pour que dans le futur, il n’y ait plus d’enfants sans extraits de naissance tant à Guiglo que partout en Côte d’Ivoire ?
Je voudrais faire une proposition, c’est mon humble avis. L’Etat a eu le nez creux d’instaurer le projet « filet sociaux ». Dans le cadre de l’exécution de ce projet, nous sommes allés dans les villages, les campements, faire du corps à corps avec les familles, dans les maisons, pour voir leurs conditions de vie. Les plus vulnérables ont bénéficié des fonds monétaires pour sortir de la pauvreté. Pour les extraits actes de naissance, je souhaiterais que le gouvernement mette sur pied un projet de ce genre, pour qu’on puisse aller dans les villages, dans les familles, voir comment et pourquoi les parents n’ont pas pu faire les actes de naissance de leurs enfants. On doit vraiment aller au contact de ces familles. Voici mes propositions pour éradiquer l’apatridie au sein de nos populations.
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Elvis GOUZA
Journaliste Reporter
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