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Guessabo (Daloa) : Quand le changement climatique empiète sur l’activité économique des mareyeuses (Reportage)
Publié le : 28 mai 2022 par Elvis GOUZA
Les femmes de la ville de Guessabo qui s’adonnent au commerce de poissons ont vu leur activité prendre un coup à cause des effets néfastes du réchauffement climatique. Reportage !
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Guessabo est une petite ville du centre-ouest de l’ouest de la Côte d’Ivoire. Distante d’Abidjan (principale ville du pays) d’environ 415 kilomètres via la route nationale A6, ce petit village offre plusieurs opportunités commerciales à ses habitants. Les populations sont partagées entre l’agriculture (moteur économique de la Côte d’Ivoire) et la pêche à cause de la présence du fleuve Sassandra, l’un des quatre (4) principaux cours d’eaux du pays.
Le tarissement du fleuve Sassandra est une réalité
Une grande partie des femmes de Guessabo s’adonne à la commercialisation du poisson qu’elles achètent en gros auprès des pêcheurs locaux. Avant 2015, tout allait pour le mieux jusqu’à ce que les choses se compliquent au fil des années à cause du dessèchement du fleuve Sassandra. C’est ce que déplore d’ailleurs Dame Alice Konan, commerçante de poisson, ressortissante de Guessabo.
Mais depuis 2015, notre commerce a pris un coup parce que l’eau est en train de reculer
« Depuis toujours, nos mamans viennent acheter du poisson ici au bord et qu’elles vont revendre sur les marchés de Guessabo, de Zoukougbeu et de Daloa et souvent même à Abidjan. C’est comme cela que moi aussi, je suis devenue commerçante de poissons. C’est un peu un travail transmis de mère en fille. Mais depuis 2015, notre commerce a pris un coup parce que l’eau est en train de reculer » a-t-elle déploré. La crise climatique et environnementale est une réalité en Côte d'Ivoire.

Le Sassandra perd peu à peu son lit et cela a une incidence sur la quantité du poisson pêché
Il faut ajouter qu’un pont est bâti sur le fleuve Sassandra, à proximité du débarcadère des mareyeuses. Ce cours d’eau s’étendait à perte de vue et le paysage était beau et agréable à regarder. Les voyageurs s’en délectaient. Certaines femmes confessaient que des voyageurs abandonnaient quelquefois leurs véhicules pour faire des photos sur le pont ou descendaient jusqu’au bord pour immortaliser leur passage à cet endroit.
- « Quand les voyageurs arrivaient à notre niveau, ils achetaient aussi du poisson qu’ils envoyaient à leurs familles. Les voyageurs constituaient près de 80 % de notre clientèle. Mais maintenant ce n’est plus le cas, les poissons ne sont plus gros et les voyageurs aussi, devenant de plus exigeants, n’achètent presque plus nos poissons. C’est compliqué » a ajouté Dame Alice Konan. Il ressort clairement que le tarissement du fleuve qui est dû au réchauffement climatique, constitue une véritable menace pour l’activité commerciale de ces femmes.
Les recettes des pêcheurs diminuent ...
En plus de cela, déclare le pêcheur Fabrice Zahi, plusieurs de ses compères ont abandonné leur activité pour s’adonner à l’agriculture. « Ecoutez, ici, on était tous heureux de prendre nos pirogues et aller à la pêche. On pouvait faire en moyenne deux ou trois heures sur l’eau et attraper assez de poissons que les femmes achètent avec nous. Je me rappelle que des femmes groupaient les pirogues des pêcheurs. Un seul voyage pouvait nous faire empocher entre cent-cinquante mille (150 000) francs CFA et deux cent-cinquante (250 000) francs CFA.
Mais aujourd’hui ce n’est plus le cas. Le fleuve est en train de perdre son lit. Les poissons deviennent de plus en plus rares. Là où on mettait tout au plus trois (3) heures pour une partie de pêche, on fait maintenant plus de cinq (5) et à la fin, on peine à atteindre cent mille (100 000) francs CFA comme recette » a déploré ce pêcheur. Il révèle en outre qu’il risque d’arrêter la pêche. Ce qui pourrait fragiliser une fois encore l’activité des femmes commerçantes de Guessabo.
Les femmes adoptent un plan B pour rester autonomes
Ces dernières sont toutefois décidées à rester autonomes et aider leurs conjoints dans la prise en charge des dépenses familiales. Avec elles, l'autonomisation de la femme rurale prend tout son sens. Comme alternative, elles ont décidé de se tourner vers l’Union Régionale des Aquaculteurs du Haut Sassandra (URAHS) qui comprend plus de sept cent (700) membres. Pour Dame Guinan Charlotte, commerçante de poissons, résidente à Guessabo, il s’agit de commercialiser les poissons des pisciculteurs.
«L’union des aquaculteurs nous aide beaucoup. Les poissons sont vraiment gros et nos clients semblent aimer puisqu’on ne nous fait pas de reproches. On gagne nettement un peu plus d’argent avec les poissons des pisciculteurs » se félicite-t-elle.
Le manque de pluie rend difficile la pratique de l'aquaculture
Cependant tout semble ne pas aller dans le bon sens puisque les aquaculteurs rencontrent eux aussi, d’énormes difficultés. Un membre de cette union présidée par Karim Soro a confié que le changement climatique affecte sérieusement leur activité. « Il n’y a pas que les pêcheurs traditionnels de la région qui ont des difficultés. Eux, à leur niveau c’est le fleuve Sassandra qui est train de tarir. Nous aussi, il ne pleut pas assez, donc les rivières où on pouvait avoir de l’eau pour l’élevage des poissons deviennent également sèches. C’est compliqué pour nous » a-t-il déclaré, le cœur meurtri.

Les poissons deviennent de plus en plus maigres
La principale conséquence, c’est la cherté des poissons livrés aux femmes. Il est bon de préciser que par le passé, il pleuvait abondamment en Côte d’Ivoire. Ce qui favorisait à la fois l’activité de pêche traditionnelle et l’aquaculture. « Les années antérieures, nous, les aquaculteurs, on avait deux (2) saisons. C'est à dire qu'on vendait nos poissons deux fois pendant l'année. Mais aujourd'hui, ce n'est plus le cas parce qu'on a une seule saison. Vraiment, on souffre car le changement climatique nous fait énormément de mal » se désole Koné Souleymane, aquaculteur.
Au fil des années, le réchauffement climatique prend de l’ampleur au point de plomber l’activité économique des femmes de Guessabo. Le gouvernement ivoirien, conscient des difficultés que rencontrent les acteurs de la pêche en Côte d’Ivoire en général et les femmes de Guessabo en particulier, a décidé de mettre en place des politiques pour lutter contre la pauvreté et la faim.
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Elvis GOUZA
Journaliste Reporter
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